Histoire de la mammalogie en région Rhône-Alpes

Les mammifères ont depuis très longtemps suscité l’intérêt, parfois pour des raisons aussi triviales que l’alimentation. Il y a 10 000 ans déjà, nos ancêtres néolithiques s’intéressèrent par exemple à la marmotte. On trouve, en divers endroits de la région, des grottes ayant fourni la preuve que des chasseurs néolithiques venaient saisonnièrement chasser cette espèce. Un bon exemple est fourni par la grotte de la Chenela à Hostiaz (Ain), prouvant que la marmotte était commune à l’époque dans le Bugey. Les paléontologues ont aussi trouvé, dans de nombreuses grottes des restes osseux attestant de la présence ancienne de divers mammifères dans la région : ours brun, loup, bouquetin, et même lynx dont un squelette daté du Moyen-Age a été découvert dans une cavité du département de l’Ain.

Mais il faut attendre le XIXème siècle pour que divers auteurs s’intéressent à leur tour aux mammifères, apportant par leurs écrits une première contribution à la connaissance de la faune mammalienne régionale. Parmi ces pionniers, citons Charvet A. qui publie en 1846 un Catalogue des animaux qui se trouvent dans le département de l’Isère, Rérolle L., qui publie en 1898 une Histoire sur la répartition, la diminution des mammifères (et des oiseaux) dans les Alpes françaises, Lagardette E., qui en 1872 publie un Catalogue descriptif des mammifères observés à l’état de nature dans le département de l’Ardèche, ou encore Arnould Locard, qui publie en 1888 dans le bulletin de la Société Linnéenne de Lyon  un Catalogue descriptif des mammifères qui vivent dans le département du Rhône et dans les régions avoisinantes. Ce travail, assez général et imprécis quant aux localisations, apporte tout de même des informations encore utilisables aujourd’hui (par exemple, Sorex alpinus y est citée dans le  massif de la Grande Chartreuse).

Au tournant du XI ème , d’autres auteurs s’intéressent aux mammifères, comme David-Martin en 1903 (faune alpine) ou Denarie M, en 1902 et 1903 (Animaux de la Savoie).

Le début du XXème siècle, ne semble pas connaître une quelconque activité associative à l’égard des mammifères en général. Quelques auteurs s’intéressent alors à des espèces particulières : Lavauden L. publie en 1912 une étude sur le bouquetin dans le bulletin de la Société Linnéenne de Lyon (Le Bouquetin des Alpes), puis en 1922 (Faune des Alpes) et en 1928 (Mammifères des Alpes françaises). Il publie aussi en 1930 une Histoire naturelle du Lynx qui fera rêver les jeunes mammalogistes des générations suivantes.

En 1937 est observé dans le Vercors le dernier ours vivant des Alpes françaises. Le bouquetin des Alpes, la loutre, le lynx ont alors eux aussi disparu ou sont sur le point de l’être, victimes d’une chasse abusive ou du braconnage, et le chamois ne se porte guère mieux. Les loups n’existent plus que dans les histoires et ont disparu, empoisonnés à la strychnine dès la fin du XIXème siècle. Un dernier spécimen d’origine inconnue fut cependant encore tué en 1954 dans le département de l’Isère.

En 1946 parait aux éditions Stock un ouvrage consacré exclusivement aux carnivores : Fauves de France de J.E Bénech. Lui aussi fera rêver et, si l’auteur reste dans la logique de destruction des « nuisibles »de l’époque, il laisse poindre çà et là des interrogations sur son bien-fondé… Ainsi, parlant du blaireau, il termine son chapitre en écrivant : «…pourquoi ne pas laisser une aussi sage et douce bête vivre en paix dans nos bois ? Les services qu’il rend /…/ payent au centuple ses insignifiants méfaits…», ou encore parlant du lynx déjà devenu très rare : «…un chasseur isolé, en longeant silencieusement les roches, pourrait encore, par hasard, l’apercevoir /…/. Mais saurait-il alors relever son fusil et se résoudre à laisser vivre un aussi rare et magnifique animal ?».

En 1949, Cantuel publie sa Faune des vertébrés du Massif Central de la France, suivie en 1962 par Quelques remarques sur les mammifères d’Auvergne.

Entre 1962 et 1964, de monumentales monographies d’espèces seront publiées par Couturier M.A. (Ours, Bouquetin, Chamois,…), tandis que des travaux plus généraux apparaissent avec Saint-Girons M.C. en 1964 (Notes sur les mammifères de France /…/ Région Rhone-Alpes), Heim de Balsac H et Beaufort F en 1966 (Régime alimentaire de l’Effraie dans le bas Dauphiné). Puis quelques études locales font leur apparition, comme celle de Vaucher C. sur les Chamois du Salève (1968) ou encore celles de Ariagno D. (1970) (Oiseaux et mammifères du Haut-Vercors), suivie en 1971 par les Micromammifères du Vercors de Brosset A. et Heim de Balsac H.

Il faut rappeler qu’à cette époque il n’existe pratiquement pas d’ouvrage d’identification des mammifères, à part Mammifères de France (publié aux éditions Boubée par Rode P. et Didier R. en 1946). Si l’ouvrage comporte des dessins de parties osseuses (crânes, mandibules…) ou mentionne quelques lignes sur la distribution des espèces, il n’est pas à proprement parler un guide de terrain.

Il faut attendre encore 20 ans pour que paraisse enfin, en 1966, chez Delachaux & Niestlé, le premier guide de terrain d’identification des mammifères : c’est le « Van den Brink », illustré par Paul Barruel, avec enfin des cartes de répartition (Guide des mammifères sauvages de l’Europe occidentale). Il va faire naître un engouement pour les bêtes à poils, et, au moins en Rhône-Alpes, on peut considérer qu’avec les ouvrages de Robert Hainard, il est à l’origine de la mammalogie moderne.

On ne peut passer sous silence Paul Barruel (1901-1982), un artiste naturaliste célèbre vivant près de Chambéry et qui, par ses nombreux ouvrages et illustrations, a grandement contribué à faire connaître et admirer la faune sauvage, les oiseaux et mammifères.

Nous sommes au milieu du XXème siècle, et des associations existent enfin. Le GOL, Groupe ornithologique Lyonnais, ancêtre du CORA et des FRAPNA, se réunit autour de Philippe Lebreton à la Faculté de Lyon. L’objet de l’association est d’abord les oiseaux, bien sûr, mais dès la fin des années 60 quelques jeunes « dissidents » vont s’intéresser à la mammalogie de terrain. Le premier castor est observé dans le sud du département du Rhône : c’est un scoop ! On peut donc observer « chez nous » des mammifères sauvages ?

Pourtant le contexte socio-politique ne leur est guère favorable. La plupart sont classés « nuisibles » et à cette époque existe chaque année, à Chalons-sur-Saône, la foire à la sauvagine dite « foire froide » où sont vendues les dépouilles d’une faune sauvage mammalienne décimée. Ainsi, en février 1973, les cours suivants sont pratiqués : peau de blaireau : 20 à 23 francs, chat sauvage : 10 à 12 francs, écureuil : 0,40 à 0,50 francs, putois « grande taille  : 22 à 25 francs… Les temps ont heureusement (un peu) changé.

En 1971, paraissent les deux tomes des Mammifères sauvages d’Europe de Robert Hainard. Pour beaucoup c’est une révélation : grâce aux affûts que suscitent ses ouvrages, les observations de terrain vont démarrer tous azimuts : affûts castor, blaireaux, chevreuils, tout semble possible ! Pour autant les mammalogistes actifs, voire exclusifs, restent peu nombreux, une douzaine, mais ce sont des passionnés. Parmi eux : Erome, Desmet, Noblet, Brunet-Lecomte, Ariagno, Destre, Fayard, Choisy, Matthieu, Broyer, Aulagnier…

Les travaux sur les mammifères commencent à se multiplier et une liste exhaustive prendrait beaucoup de place. Citons seulement quelques exemples. En 1971, Heim de Balsac H. et Brosset A. publient dans Mammalia un Inventaire des micromammifères du Vercors ; en 1972 Serra-Tosio B. publie Les mammifères de la région de Grenoble ; Fayard A. ,du CORA, publie en 1973 une étude sur les mammifères du parc Naturel du Bugey ; en 1974 parait le travail de Saint-Girons M.C. et Vesco J.P. sur les petits mammifères du couloir séquano-rhodanien. Fayard A. et Erome G. étudient en 1976 la souris à queue courte Mus spretus ,en Ardèche, et publient en 1977 Les micromammifères de la bordure orientale du massif Central.

C’est en 1976 que parait dans la revue nationale Mammalia le premier Essai de synthèse sur les mammifères sauvages de Rhône-Alpes, par Ariagno D. D’autres travaux sur la faune du Vercors, effectués par divers naturalistes serviront quelques années plus tard à la création de la réserve naturelle des hauts-plateaux du Vercors et du PNR du Vercors.

Parallèlement, le Muséum national d’Histoire Naturelle et la SFEPM pilotent l’édition d’un Atlas national des mammifères de France. Sa réalisation va mobiliser pendant plusieurs années les énergies des mammalogistes amateurs, notamment par des séances généralisées de décorticage de pelotes de réjection, aboutissant à une connaissance jusque-là ignorée de la faune mammalienne. Rhône-Alpes n’échappe pas à cette vague et c’est sous la direction d’Armand Fayard que paraît, en 1984, le premier Atlas des mammifères sauvages de France avec des cartes de répartition pour chaque espèce.

Il n’existe toujours pas à cette époque en Rhône-Alpes de structure propre à l’étude des mammifères en général, contrairement à ce qui existe pour les oiseaux et pour les chauves-souris. Notons que ces dernières occupent toujours une place à part chez les mammifères. Leurs spécialistes, très actifs se préoccupent peu des autres mammifères tout comme les mammalogistes s’occupent peu des chauves-souris 1.

Sur l’ensemble de Rhône-Alpes, une petite vingtaine de naturalistes se « spécialisent » sur les mammifères, travaillant souvent sans lien formel entre eux (Internet n’est pas encore inventé !). Mais les nécessités de la protection et les échanges d’information les rapprochent.

Dans les années 1970-80, dans tous les départements les inventaires et les études mammalogiques vont foisonner. Ces travaux de terrain sont le fait de naturalistes associatifs ou de scientifiques œuvrant dans des structures telles que les parcs naturels régionaux ou nationaux ou les préoccupations concernant la protection des mammifères  sont déjà bien présentes. Citons à titre d’exemples  :

– 1972 : Les micromammifères de la région grenobloise par B. Serra-Tosio

– 1974 : Répartition et densités des petits mammifères du couloir séquano-rhodanien

– 1975 : Essai d’inventaire des vertébrés de la vallée du Haut-Giffre (Haute-Savoie) par JF. Desmet

– 1977 : Inventaire des micromammifères de la bordure orientale du Massif Central par A. Fayard et G. Erome

– 1979 : Les mammifères du département de l’Ain, par A. Fayard, J.L. Rolandez et P. Roncin

– 1979 : FRAPNA et CORA lancent une alerte : Rapport sur la situation et la protection des carnivores dans le département du Rhône

– 1980 : Comparaison de la faune micro-mammalienne de la Dombes et de la plaine du Forez, par S. Aulagnier et al

1981 : Données récentes sur la Musaraigne alpine dans les Alpes françaises, par J.F. Desmet

– 1981 : Les mammifères du département du Rhône, par D. Ariagno et al

– 1982 : Écologie et répartition de la Loutre dans le bassin rhodanien.

1983 : Les micromammifères de l’Île Crémieu et du bas Dauphiné, par P. Brunet-Lecomte

– 1983 : Les mammifères du département de la Loire, par S. Aulagnier et al

– 1984 : Synthèse sur les mammifères de l’Ardèche, par H. Penel et al

– 1984 : Atlas des mammifères de l’Isère par J.F. Noblet

1 On trouvera un historique détaillé de la chiroptérologie en Rhône-Alpes dans l’atlas correspondant : Les Chauves-souris de Rhône-Alpes, par le groupe chiroptères de la LPO Rhône-Alpes (2014). LPO Rhône-Alpes, Lyon.

Bien d’autres travaux et auteurs mériteraient d’être cités. Certaines espèces sont « à la mode » : le castor, bien entendu, relativement facile à voir et encore très mal connu (il totalise à lui seul des dizaines et des dizaines de publications au cours du XXème siècle), le blaireau, les ongulés (chamois, bouquetin…), la genette, le chat forestier, le lynx et bien sûr les chauves-souris qui ont leurs aficionados exclusifs comme encore aujourd’hui.

Il faudrait également parler des projets de réintroduction d’espèces de mammifères qui se sont multipliés à partir de la fin des années 1960. En effet, les « trente glorieuses » passées, le vent commence à tourner et on commence à s’apercevoir que la nature n’est peut-être pas aussi inépuisable que ça… On va donc chercher à restaurer ce qu’on a détruit, à commencer par le bouquetin des Alpes, éliminé dès les années 1950, et qui fera l’objet de plusieurs réintroductions notamment en Haute-Savoie où 414 bêtes sont relâchées entre 1959 et 2005 (Estève & Villaret, 1989). Réintroduction encore en 1983 dans le massif des Sept-Laux (Isère) (50 bêtes relâchées), puis dans le Vercors entre 1989 et 2002 (63 bêtes relâchées sur plusieurs sites) et enfin dans le massif de la Grande Chartreuse en 2010 et 2011. Ces réintroductions sont faites à l’initiative de la Direction Départementale de l’ Agriculture (DDA) de l’époque (merci monsieur Gilbert Amigues), des Parc naturel et/ou de la DREAL. Le castor a fait lui aussi l’objet de réintroductions en Savoie, en amont de Lyon par la FRAPNA Rhône et la DDA (Amoroz & Bourbon 1980) et dans la Loire en 1994 (Ulmer, 2010). La marmotte sera réintroduite dans le Vercors (Noblet, 1976) et en Chartreuse (ONCFS, DDA et PNR). Le lapin de garenne et les ongulés font l’objet de diverses réintroductions, voire introductions, à des fins cynégétiques. Pour y voir clair, il faudra bien une synthèse de ces opérations: c’est ce que fait J.L. Michelot en 1991. De son côté, l’ONC publie une synthèse des réintroductions du castor en France.

Mais hélas d’autres projets de réintroduction échoueront. Ce fut le cas du cerf dans le département du Rhône (COSILYOi, 1977) et surtout de l’ours dans le Vercors, malgré une étude de faisabilité (demandée par le ministère et conduite par R. Hainard) et des conférences publiques par la FRAPNA à Villars-de-Lans. Le 19 août 1973, le Dauphiné libéré, après interview des maires concernés, titrait : «  Les ours du Vercors ? pas pour demain… ». Peut-être pour aujourd’hui alors ?

À cette époque aussi, G. Erome présente en 1982 sa thèse sur l’habitat du castor et publie en 1989 un travail magistral sur l’Historique de la disparition de l’ours brun en Rhône-Alpes.

Entre 1992 et 1996, P. Brunet-Lecomte, publiera de nombreuses études « pointues » sur les campagnols souterrains.

Nous arrivons aux « temps modernes », même si internet n’est pas encore là… La loutre, quasi disparue de Rhône-Alpes (Michelot 1992) commence sa lente recolonisation de la région à partir du noyau du Massif Central et le CORA de l’époque, avec le Ministère de l’Environnement, confient à R. Bendelé une étude parue en 1994 sur la situation de l’espèce. Au total, entre 1982 et 2008, une vingtaine de publications concernant cette espèce emblématique verront le jour. D’autres suivront comme celles de M. Bouche, en 2008, ou de J. Bouniol et al (en 2019) qui font le point sur la situation de l’espèce suite à son expansion récente.

En 1997, la FRAPNA (coordination X. Grillo) publie le premier Atlas des mammifères sauvages de Rhône-Alpes, synthèse exhaustive mais qui ne connaîtra pas le succès qu’elle méritait.

Hors structures associatives, des mammalogistes publient leurs travaux. On ne peut éviter de mentionner dans cette catégorie C. Faugier, G. Issartel et L. Jacob qui éditent en 1989 le livre Animaux sauvages de l’Ardèche ou encore, en 2004, M. Bouche et S. Lemmet qui publient leur Contribution à l’inventaire des micrommifères du Parc National de la Vanoise.

Les études et travaux se poursuivent, souvent spécialisés sur une espèce ou un groupe d’espèces : les musaraignes dans le département du Rhône (2017), découverte de la musaraigne de Miller dans l’Île Crémieu (Brunet-Lecomte et al, 2012), le campagnol provençal dans le Bas-Dauphiné (Brunet-Lecomte, 2013), répartition des insectivores de la région Rhône-Alpes (2011) ou encore le rat des moissons (Darinot & Favier, 2011-2014).

Parallèlement aux associations, l’ONCFS réalise aussi depuis plusieurs décennies des études et suivis sur diverses espèces de grands mammifères : loup, lynx, loutre, raton laveur, chien viverrin ou la genette (Léger, Cugnasse, Riols,…..), et les parcs naturels ou réserves mènent leur propre étude, comme celle sur le chat forestier par la réserve naturelle des hauts de Chartreuse (Bailly, 2019).

Bref, on étudie, on cartographie, on réintroduit, les mammifères en Rhône-Alpes, lesquels, lorsqu’on leur fiche la paix, n’en font qu’à leur tête. Et certaines espèces vont s’inviter sans demander la permission, pour le plus grand bonheur de certains et le désespoir de quelques autres. Parmi celles-ci, le lynx qui fait son entrée en France en 1974 via la Suisse, le loup qui réapparaît en France, en 1992 et en Rhône-Alpes quelques années plus tard, la loutre dont on a évoqué l’expansion suite à sa protection légale, le chien viverrin et le raton laveur, tous deux présents en Rhône-Alpes, et le dernier venu, le chacal doré, qui vient d’arriver logiquement  en Haute-Savoie poursuivant ainsi son expansion naturelle depuis le Moyen-Orient et les Balkans (cf monographies correspondantes).

Hélas de nombreux mammifères figurent encore aujourd’hui sur la liste des espèces  « susceptibles d’occasionner des dégâts = nuisibles ». La plupart font partie des « puants », en d’autres termes des mustélidés (y compris le putois et la martre), même s’ils sont épargnés dans certains départements. Quant au renard, le mal-aimé, il continue à susciter la hargne de certains malgré son rôle positif évident en matière de prédation des populations de rongeurs.

Le foisonnement d’activité et de travail de terrain évoqué dans les lignes précédentes reste encore aujourd’hui le plus souvent le fait de naturalistes associatifs, passionnés et bénévoles, au demeurant peu nombreux (une quarantaine pour la région ?). Ils travaillent isolément, car il n’existe toujours pas de Groupe mammalogique Rhône-Alpes comme c’est le cas en Auvergne par exemple. Beaucoup se réclament de Robert Hainard et s’adonnent au plaisir des affûts. S’intéresser aux mammifères sauvages, c’est traquer l’invisible, chercher l’impossible. Voir le lynx ou le chat forestier constituent un graal… Mentionnons quand même çà et là, l’existence de groupes spécialisés : « groupe Blaireau » dans le département du Rhône, « groupe Loutre interdépartemental », « groupes chiroptères », etc.

Mais en dehors de la satisfaction individuelle de leurs auteurs de voir et de connaître les mammifères, les découvertes sont mises au service de la protection de la faune sauvage et/ou d’un « porté à connaissance » auprès des décideurs et du public de la richesse du patrimoine faunistique régional. Le présent atlas en est une illustration supplémentaire, comme la liste rouge des vertébrés de Rhône-Alpes publiée en 2008 en est un autre exemple.

Les connaissances acquises vont aussi alimenter des dossiers de protection qui vont déboucher (parfois… !) sur des mesures concrètes de protection.

Observation, étude des mammifères et protection

Les innombrables travaux, publiés au fil des années par les naturalistes de la LPO et de la FRAPNA, ont servi de documents d’information à l’intention des décideurs et du public, mais aussi et surtout, de « matériel » pour la constitution de dossiers de protection. Ces travaux ont fourni les bases scientifiques pour la connaissance de la faune et de la flore lors des processus d’élaboration des parcs naturels (Vercors, Chartreuse, par exemple) et de plusieurs réserves naturelles nationales ou régionales : réserve du Marais de Lavours dans le département de l’Ain (1984), réserve naturelle des Hauts-plateaux du Vercors (Isère et Drôme), réserve des Gorges de l’Ardèche, réserve nationale de l’Île de la Platière dans le département de l’Isère (1986). Les études n’ont d’ailleurs pas toujours suffi. Parcs et réserves sont souvent nés dans un contexte conflictuel et il a fallu souvent ajouter aux études une bonne dose de militantisme. Nombreux sont les naturalistes qui s’y sont investis, bravant les oppositions, pour imposer l’intérêt général face à des intérêts particuliers…

La connaissance et la protection de la faune, et des mammifères en particulier s’est aussi trouvée à la base de divers types de protection administrative : Zone naturelle d’intérêt écologique floristique et faunistique (ZNIEFF), Espace Naturel Sensible (ENS), Arrêté préfectoral de protection de biotope (APPB), Site d’intérêt Communautaire (SIC), Natura 2000… dont les périmètres s’appuient sur la présence d’espèces déterminantes ou emblématiques et sont présents dans tous les départements.

La préservation du castor a été à la base de la mise en protection d’un chapelet d’îles sur le fleuve Rhône, tant en amont qu’en aval de Lyon : APPB de l’Île du Beurre (1987) et APPB de l’Île de la Table Ronde (1991) dans le département du Rhône, réserve naturelle nationale de l’Île de la Platière (1986) au Péage-du-Roussillon dans l’Isère  (qui a vu le jour grâce à la foi et à la pugnacité d’un naturaliste associatif, Guy Flacher, aujourd’hui décédé).

En amont de Lyon, les sites du Grand Parc de Miribel Jonage (life), l’APPB de Crépieux-Charmy sont à cheval sur les départements du Rhône et de l’Ain. Plus en amont, la confluence Ain-Rhône a été protégée de haute lutte contre un énième projet de barrage en 1999. Plus en amont encore, la Réserve naturelle nationale du Haut-Rhône français, à Brégnier-Cordon, contribue elle aussi à rendre pérenne la présence du castor, de la Loutre, mais aussi de beaucoup d’autres espèces.

Mais C’est peut-être les chiroptères qui ont le plus conduit à des mesures de protection aussi fortes que ponctuelles, peut-être parce qu’ils sont tous protégés, mais aussi grâce à l’efficacité du Groupe chiroptères Rhône-Alpes. Afin de protéger les sites de reproduction et/ou d’hivernage ce ces mammifères, diverses cavités naturelles (grottes) ou artificielles (anciennes mines) ont ainsi été mises en sécurité pour empêcher toute pénétration intempestive. Citons dans le département du Rhône, la RNR de la mine du Verdy, ainsi que 4 autres mines (dont une classée Natura 2000) ; dans le département de l’Ain, la grotte de Corveissiat et la galerie du Pont des Pierres ; en Ardèche les grottes du Déroc, de la Baume des cloches et un souterrain près d’Annonay ; dans la Drôme, la grotte des Sadoux et celle de Baume Sourde ; dans l’Isère, les grottes de Labalme, celles de Choranche ; des souterrains dans la vallée du Rhône.

Mais les zones protégées seules ne suffisent pas. Si les oiseaux peuvent se déplacer par la voie des airs, les mammifères sont contraints de le faire par le sol. L’idée s’est donc imposée de la nécessité de relier entre elles les zones protégées en créant des corridors biologiques permettant aux mammifères de se déplacer en sécurité. L’idée lancée par J.F. Noblet et le Conseil général de l’Isère en 2000 a fait florès et s’est imposée aujourd’hui comme une évidence. Dans le même ordre d’idée, afin de faciliter la circulation de la faune sauvage, la FRAPNA, la LPO et la Fédération des chasseurs ont pu imposer de nombreux passages à petite et grande faune lors de la construction de l’autoroute A 89.

Les acquisitions foncières sont aussi un moyen efficace, développé par les associations, pour protéger les milieux. Ainsi, dans le département de la Loire, Raymond Faure a été la cheville ouvrière de la création de l’Ecopole du Forez, une vaste zone de bois et d’étangs en bordure de la Loire. Outre les nombreux oiseaux, le site héberge à présent des mammifères emblématiques (castor, loutre) comme d’autres plus ordinaires (renard, putois,…). Dans le département du Rhône, l’acquisition de parcelles de vieille forêt inexploitée depuis près d’un siècle a permis de sauvegarder des morceaux de la forêt originelle dans le Haut-Beaujolais. Le chat forestier, la martre, le muscardin ou la crossope aquatique y trouvent d’indispensables zones de quiétude.

Parallèlement aux actions visant à la protection des milieux, certaines espèces ont fait l’objet d’une attention particulière de la part des mammalogistes et les réintroductions concernant des espèces « spectaculaires » déjà évoquées en sont un exemple. Quelques espèces, moins emblématiques mais tout autant remarquables en termes de biodiversité, ont mobilisé les associations. Parmi elles citons la crossope aquatique dont la protection nationale a été obtenue au Conseil National de protection de la nature (CNPN), dans les années 1980 par un naturaliste de la FRAPNA. Le blaireau a fait l’objet de nombreuses interventions, notamment dans le département du Rhône où existe depuis longtemps un « groupe Blaireau », pour faire supprimer (ou au moins réduire) la période de chasse dite complémentaire qui permet de détruire l’espèce dès le 15 mai alors que les jeunes ne sont pas émancipés. Bataille perdue…

Une autre espèce mobilise peu l’intérêt du public : le campagnol amphibie ou « rat d’eau », bien que sensu stricto il ne soit pas un rat mais plutôt un grand campagnol. Commun partout jusque dans les années 1980, il a pratiquement disparu de toutes ses stations connues en Rhône-Alpes, où il est devenu rare, sans que les causes soient clairement connues. Les mammalogistes de terrain ne pouvaient que constater cette disparition. L’alerte a été lancée en 2007 par J.F. Noblet qui publie la plaquette « Sauvons le campagnol amphibie ». L’alerte est reprise au niveau national par la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) qui diligentera une enquête concluant à la diminution de l’espèce en Rhône-Alpes et qui conduira à la protection de l’espèce au niveau national.

En ce premier quart du XXI ème siècle, trop de mammifères sont encore susceptibles d’être détruits. En Rhône-Alpes, martre, putois et belette n’ont été retirés de la liste des « nuisibles » que dans quelques départements, comme le département de la Haute-Savoie ou le département de l’Isère (interventions de J.F Noblet), par exemple. La notion aberrante de « nuisibles ou susceptibles d’occasionner des dégâts» est toujours en vigueur, alors que les espaces naturels et la biodiversité continuent de régresser sous diverses pressions anthropiques. Avant la protection intégrale des rapaces, dans les années 1970, l’idée était répandue qu’une telle protection aurait pour conséquence leur pullulation et la disparition du « gibier ». Il n’en n’a rien été. Aujourd’hui, on nous prédit de même que la protection des carnivores, à cause d’une hypothétique pullulation jamais démontrée, signerait la disparition des volailles, et bien entendu du gibier… Dans le canton de Genève, la chasse est totalement interdite depuis 20 ans : rien ne s’y est démultiplié.

La protection de tous les mammifères, et notamment des carnivores, passe par la reconnaissance de leur rôle dans la nature, leur respect et l’existence de vastes zones refuges sans intervention humaine.

L’étude des mammifères sauvages : une passion et des techniques

Sans remonter jusqu’à l’époque de Buffon (1707-1788) où l’étude et l’observation des mammifères se faisaient essentiellement à partir de dépouilles collectées à coup de fusil, l’étude des mammifères est restée longtemps non écrite et le fait de quelques personnes. L’enregistrement systématique des observations n’a réellement débutée qu’avec le XXème siècle : fiches et carnets de terrain se sont perpétués jusqu’aux années 1990.

Les méthodes d’observation étaient, et sont toujours, très souvent indirectes. La recherche et la reconnaissance des indices laissés par les mammifères sauvages sont la base de toute étude sur les mammifères. Rares sont les espèces visibles de jour dans des environnements suffisamment ouverts pour qu’on puisse non seulement les apercevoir, mais éventuellement les compter. Les ongulés de montagne (chamois, bouquetin, mouflon..) sont de ceux-là. L’écoute du brame des cerfs à l’automne permet aussi de se faire une idée du nombre d’animaux sur un secteur donné. Les comptages de nuit avec un projecteur, sur les mêmes parcours-témoins, apportent des informations relatives aux densités de population. Le chevreuil et le renard fournissent ainsi des indices d’abondance au kilomètre, comparables d’une année à l’autre. Rappelons quand même que l’usage d’un projecteur la nuit depuis une voiture est interdit sans autorisation.

Les effectifs de castors peuvent s’évaluer par la recherche d’indices laissés par l’animal au bord des eaux qu’il fréquente : branches rongées, arbres coupés, réfectoires, marquages olfactifs au castoréum, repérage des terriers-huttes, donnent de bonnes indications sur la présence de l’espèce. Mais là nous sommes déjà dans les observations indirectes, celles qui permettent l’étude, des rongeurs, des insectivores et des carnivores. Les deux premiers groupes, rongeurs et insectivores, figurent parmi les mammifères dont les populations sont les plus abondantes. Malgré cela, on ne les observe directement que rarement et il faut recourir, pour leur étude, au piégeage de préférence avec des pièges non létaux ou à l’analyse de pelotes de réjection des rapaces qui s’en nourrissent. Le spécialiste identifiera sous la loupe binoculaire les restes osseux présents dans les pelotes et saura déduire à la fois le régime alimentaire du rapace mais aussi la composition de la faune des petits mammifères présents.

Rien de semblable n’est possible pour l’étude des carnivores. Il faut alors se transformer en trappeur ou en pisteur : rechercher des empreintes, trouver des poils accrochés aux troncs d’arbres ou aux épines, suivre les coulées et même basculer dans la scatologie. L’examen des crottes laissées par les carnivores (certaines déjections de mammifères ont des noms spécifiques : moquettes, fumées, épreintes…), leur odeur, leur contenu, leur fraîcheur apportent aux naturalistes des informations de premier plan.

Pour qu’elles soient efficaces, ces méthodes indirectes d’étude des mammifères peuvent se montrer frustrantes pour le naturaliste de terrain qui préfère légitimement voir « par corps » les animaux qu’il étudie. Connaissant bien les habitudes de l’animal qu’il cherche et les milieux qu’il fréquente, il pourra tenter de l’apercevoir et y réussir si la chance est avec lui…

L’autre moyen plus « rentable », mais chronophage, c’est l’affût. Le principe est simple : se poser en un endroit choisi et attendre, quelques heures ou des journées… Car si la pratique de l’affût est une technique, c’est aussi un art de vivre ! Dans la vie quotidienne, trépidante et stressante, accepter de passer quelques heures à ne rien faire d’autre que d’attendre la venue hypothétique de l’animal, ré-exercer ses oreilles à discerner les moindres bruits, respirer les odeurs du sous-bois, contempler la lune à travers la dentelle des branchages, bref essayer de réveiller nos facultés animales atrophiées est un luxe gratuit et un remède efficace au mal d’être. En prime, si le mammifère attendu apparaît, sortant du terrier ou surgissant sur la lisière, alors le temps s’arrête et plus rien n’existe.

Depuis les années 1990, l’irruption de l’informatique a apporté d’autres méthodes d’étude et de surveillance.

D’abord, la collecte des données se fait aujourd’hui sur un tableur informatique ou dans une banque de données accessible en ligne et/ou directement depuis le terrain avec son smartphone. Ainsi, se sont développées de puissantes banques de données naturalistes regroupant des centaines de milliers de données. Le présent atlas utilise les bases Visionature de chaque département. Il existe une base régionale de données spécifiques aux chiroptères et certains départements, comme le Rhône, tiennent à jour des banques de données spécifiques : géolocalisation des terriers de blaireaux par exemple.

Les technologies modernes ont révolutionné les méthodes d’étude et d’observation, fournissant des données qu’il aurait été difficile d’obtenir par observation directe. Parmi ces méthodes, il faut mentionner les études génétiques, phylogénétiques ou la biochimie qui ont permis de « découvrir » des espèces cryptiques (musaraignes carrelet, couronnée et du Valais, par exemple, mais aussi beaucoup de chiroptères), la réalisation de test de recherche de l’ADN dans les fèces de loup (qui permet d’établir par exemple la filiation de l’animal) ou dans les épreintes de loutre qui a permis d’éclairer le processus de recolonisation des cours d’eau par l’espèce.

Ces méthodes high-tech,ne sont pas à la portée des naturalistes et nécessitent le recours à des laboratoires spécialisés.

Mais d’autres méthodes sont devenues pratique courante. Il en est ainsi de la télémétrie qui consiste à équiper un animal capturé à l’aide d’un collier émetteur ou d’une puce électronique, avant de le relâcher. Il devient alors possible de suivre ses déplacements grâce à une antenne réceptrice. La méthode a permis d’acquérir des informations jusque-là inconnues sur bon nombre d’espèces sauvages et notamment des mammifères : chiroptères, ongulés, carnivores, cétacés, etc. Une autre technologie sophistiquée existe pour les chauves-souris, consistant à installer sur le lieu d’étude un détecteur automatique d’ultra-sons qui enregistrera en continu, des jours ou des semaines durant, toute chauve-souris volant à proximité. S’en suivront de longues heures sur ordinateur pour analyser les enregistrements obtenus.

Dernière méthode en vogue : les « pièges-photos ». Il s’agit d’appareils susceptibles de fonctionner, de jour comme de nuit, grâce à des détecteurs de mouvement et des capteurs infra-rouge. Ils permettent d’obtenir des photos ou des vidéos des espèces traversant le champ de l’appareil. Ces appareils ont enrichi considérablement nos connaissances, révélant la présence d’espèces (in)soupçonnées (chacal en Haute-Savoie par exemple, loutre ou putois sous des passages routiers, etc). Il existe une multitude de modèles et une large gamme de prix qui les rend accessibles facilement.

Toutes ces méthodes ont fait la preuve de leur efficacité. D’autres suivront sans doute, tels les drones qui peuvent permettre d’observer des animaux sauvages en milieu découvert.

Mais cet arsenal de techniques d’étude sophistiquées ne risque-t-il pas à long terme de créer une sorte de « mammalogie virtuelle » ? On ne voit plus qu’à travers son écran d’ordinateur et les bêtes deviennent des abstractions. N’oublions pas que les images ou les sons des bêtes captées par nos appareils existent vraiment et qu’il est bon de garder le contact avec le terrain. Les meilleurs enregistrements ne remplaceront jamais le bonheur que procurent quelques heures d’attente et d’écoute au pied d’un arbre, dans l’espoir de voir soudainement se matérialiser l’animal espéré.

Quelques témoignages de mammalogistes régionaux

Daniel Ariagno

Né en 1939, j’ai grandi en ville à Lyon. La « nature », se résumait aux berges du Rhône. Mes premiers mammifères furent les « rats d’égout », puis les souris que j’observais le soir dans la cuisine. Vers 13-14 ans, je joue « au trappeur » capturant mon premier campagnol roussâtre. Dans les années 50, l’ouvrage « Fauves de France » active en moi bien des envies. Un long détour par l’entomologie, puis l’ornithologie avec le jeune CORA de l’époque, met en veille ma soif de mammifères. Plus pour longtemps : la parution du premier guide des mammifères d’Europe, puis des ouvrages de Robert Hainard, me font basculer vers les bêtes à poils : découvertes de l’art de l’affût, nuits à la belle étoile… Je vois mon premier blaireau en 1972 et j’ai la chance de partager quelques affûts avec R. Hainard et de découvrir avec lui la sculpture. Des voyages sur d’autres continents, m’ont permis de découvrir une part infime des quelques 5000 espèces de mammifères existantes. Je trouve fascinant, ces animaux qu’on voit difficilement, et qui sont dans leur perfection de formes et d’adaptation, le résultat de millions d’années d’évolution. En marge de notre monde hyperconnecté (mais déconnecté de la nature !), ils vivent sur une planète parallèle où de temps en temps je parviens à les rejoindre.

Jean-François Noblet

Tout gamin, ma grand mère journaliste parisienne m’emmenait régulièrement au zoo de Vincennes et j’étais déjà fasciné par un rhinocéros noir dénommé François à qui j’apportais des carottes. J’ai eu également la chance d’assister, grâce à ses relations, aux avants premières des films de Cousteau et de Walt Disney telles que « La grande prairie » ou « les Lions d’Afrique ». Puis ma vie de naturaliste a commencé dans un mouvement de scoutisme laïc « Les Éclaireurs de France » et j’ai appris l’ornithologie avec mon maître Jean Pierre Choisy. Autodidacte réfractaire aux contraintes scolaires, j’ai vite découvert, presque par hasard, que des pans entiers de la mammalogie restaient à découvrir. Ainsi, avec l’ami Jean-François Desmet nous sommes tombés sur des dizaines de crânes de chauves-souris presque inconnues à l’époque (des Molosses de Cestoni) dans une grotte du Vercors. L’attrait de la découverte me fait toujours courir et naturellement je me suis intéressé ensuite aux micromammifères, aux petits carnivores, à la loutre et aux mammifères marins. J’ai eu la chance de connaître intimement Robert Hainard, Daniel Ariagno et Guy Berthoud et leur curiosité leur respect de la vie, de toutes les vies m’a beaucoup inspiré. Je me sens profondément mammifère et j’adore la fourrure et la souplesse de jeunes fouines orphelines dont nous partageons les jeux avec mes deux filles. Nouer des relations intimes avec ces carnivores si décriés me démontre qu’il est encore possible d’aimer sans aucune distinction tous les êtres vivants.

Jean François Desmet

J’ai été très tôt attiré par tout ce qui vit et bouge, particulièrement par ce qui était difficile à voir, et qui constituait un défi personnel. La recherche et l’observation des animaux, mammifères surtout, mais aussi reptiles et amphibiens, s’est bien vite transformée en une passion dévorante dont je ne peux toujours pas me passer. Cet attrait pour les mammifères est probablement dû au fait que bon nombre sont nocturnes, et encore mal connus. Leur quête, rendue ainsi plus difficile, en fait un objectif attractif et excitant. Il faut bien souvent s’immerger dans leur monde – la nuit, le milieu souterrain, les espaces restés sauvages presque originels – pour tenter de les entre-apercevoir et découvrir des fragments de leur mode de vie secret et mystérieux. L’attente, parfois longue et aléatoire jusqu’à la rencontre de la bête, rend ces rendez-vous intenses et addictifs. Ayant beaucoup de mal à rester à l’intérieur, je passe le plus clair de mon temps à arpenter et prospecter la Nature, les recoins des forêts, les grands espaces dépeuplés d’humains, les montagnes, tous lieux où je me sens réellement bien. Comme pour d’autres, l’acquisition du « Van den Brink » dès sa parution – mon « premier livre sérieux et exact » qui répondait à foule de mes questions, avec ses planches permettant d’identifier les crânes que je trouvais et qui rejoignaient ma collection – fut une des étapes importantes dans ma passion pour la mammalogie. Cet ouvrage et ceux de Robert Hainard, avec qui j’ai également eu la chance de partager de précieux moments, en particulier sur le terrain, allaient contribuer à assouvir un de mes besoins profonds : mettre un nom exact sur toutes ces bêtes que je vois ou entend et tenter de « tout » connaître et comprendre ce qui vit autour de nous.

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