Nid de campagnols, Haute-Savoie © Christophe Gilles

Présentation et description

Campagnol agreste, décembre 2006, Fer boei

Le campagnol agreste est un rongeur de petite taille, brun sur le dessus, blanc à beige clair sur le dessous. Les soles plantaires sont brunes. L’adulte pèse entre 20 et 48 g pour une taille de 85 à 130 mm de la base de la queue au bout du museau. La queue est courte et nettement bicolore (brun sur le dessus et claire sur le dessous), représentant un petit tiers de la longueur de son corps. Confusion possible avec le campagnol des champs, légèrement plus petit, dont la coloration est plus claire et avec une queue généralement unicolore ainsi que des soles plantaires rosâtres. De plus, le campagnol agreste semble avoir un pelage plus hirsute et cache encore plus ses oreilles. Les jeunes de ces deux espèces ne peuvent être distingués que par l’étude des caractères dentaires.

En Rhône-Alpes le campagnol agreste est une espèce autochtone pouvant être qualifiée d’assez  commune. L’espèce ne bénéficie d’aucun statut de protection en France.

Son cycle de reproduction se situe entre février et novembre-décembre mais il ne semble pas exceptionnel que l’activité sexuelle soit prolongée toute l’année. La femelle peut mettre bas entre 3 et 5 portées par an,  de 2 à 9 petits avec une moyenne de 3,9 jeunes en Franche-Comté (pas de données en Rhône-Alpes). La gestation est de 20 jours avec la possibilité d’un oestrus post-partum. Les jeunes naissent aveugles et ouvrent les yeux vers 9-10 jours. Ils s’émancipent vers l’âge de 6-7 semaines, âge de leur maturité sexuelle. La longévité est estimée à 18-24 mois.

Les populations de l’espèce sont soumises à des fluctuations cycliques (tous les deux ou trois ans) bien moins spectaculaires que celles du campagnol des champs. Il n’y a jamais de pullulations importantes en France ce qui peut s’expliquer par une moindre fécondité que le campagnol des champs ainsi que par des légères différences dans les préférences écologiques.

Sa densité à l’hectare varie de 2 à 61 individus en champs ouvert et de 100 à 327 dans les champs et les vergers (STODDART, 1980) là où Microtus arvalis est absent.

En zone de marais, où la densité de l’espèce est la plus importante, elle peut atteindre plusieurs centaines d’individus à l’hectare. Cela peut s’explique par un couvert végétal important et une moins grande pression de la prédation sur l’espèce.

Enfin, dans les espaces où les deux espèces sont présentes, le campagnol agreste est moins impacté par la prédation puisque le campagnol des champs est plus facile à capturer (densités plus élevées, milieux plus ouverts et donc plus propices à la chasse).

Sur 6551 proies déterminées par G. Allemand à partir de pelotes d’effraie des clochers de la Loire, on trouve en moyenne 2,67 % de campagnol agreste contre 48,96 % de campagnol des champs sur le total des mammifères capturés. On peut imaginer que la proportion de prédation des carnivores sur ces espèces soit sensiblement du même ordre.

Historique

L’espèce est apparue en Europe à la fin du Pléistocène, un peu plus tardivement que le campagnol des champs.

La plus ancienne donnée régionale enregistrée date de juin 1963 à Bussy-Albieux (42).

Carte de l'état des connaissances sur le campagnol agreste

Distribution actuelle

Le campagnol agreste est présent dans toute l’Europe de la Grande-Bretagne à la Scandinavie. Il est présent dans toute la France, à l’exception de la Corse, jusqu’à 2000 m. Les populations françaises appartiennent à deux lignées : « ouest » pour la plus grande partie et « sud » pour les populations méditerranéennes (du Portugal à la Hongrie).

En Rhône-Alpes, il semble plus rare ou absent dans le sud (Drome, sud Isère) et l’est de la région (Savoie et est de la Haute-Savoie). Ailleurs, il est présent jusque 1800 mètres d’altitude, plus rarement au-delà. Les données d’altitude sont plus rares que pour Microtus arvalis.

163 mailles ont fourni des données entre 2005 et 2018 représentant ainsi 30,6 % des mailles de la zone concernée.

Le campagnol agreste est présent sur l’ensemble des départements rhônalpins bien que sur trois d’entre eux (Ardèche, Drôme et Savoie) sa répartition soit  faible et parcellaire. D’une manière générale, on observe une diminution de la présence plus on monte en altitude.

L’espèce vit généralement dans des biotopes plus humides et denses que le campagnol des champs. Cette espèce est liée davantage aux hautes herbes et on ne le trouvera que rarement dans les champs. Il fréquente les clairières, haies, taillis, vergers, les bois clairs, les talus du bocage mais aussi les tourbières. Il aime les sols forestiers et il peut fréquenter les prairies où l’herbe n’est pas trop rase.

Le travail du présent atlas a permis de compléter les connaissances de l’espèce. Les principales données collectées le sont par le biais des pelotes de réjection de rapaces nocturne et en particulier l’effraie des clochers. Pour six départements sur huit, les données sont récentes (2005-2018) alors que pour deux d’entre eux (Loire et Isère), la répartition de l’espèce était connue antérieurement. Cela ne correspond pas à une évolution réelle de l’espèce, mais plutôt une augmentation de la pression d’observation et notamment par l’analyse des pelotes de réjection.

En région Rhône-Alpes, le campagnol agreste doit être plus présent. La carte de répartition reflète plutôt la somme des connaissances actuelles que l’écologie de l’espèce. D’autre part, comme les données sont principalement issues de pelotes de réjections d’effraie des clochers, la répartition des données correspondant donc sensiblement à la répartition de cette chouette.

Les cartes montrent que l’espèce semble faiblement représentée en zone méditerranéenne (sud de la Drôme en particulier). En revanche, l’espèce est mieux représentée que le campagnol des champs en sud Ardèche. Le nombre de données est également faible en Savoie sans que l’on sache si cette quasi-absence est réelle ou bien due à une prospection plus faible qu’ailleurs.

L’espèce est active toute l’année. Le domaine vital du campagnol agreste est variable en fonction du sexe, de l’activité sexuelle, de la densité de population et de la saison (plus petit en hiver et plus grand en automne). Pour les mâles, cette aire est supérieure aux femelles et elle augmente encore en période de reproduction. En faible densité, un mâle occupe une surface d’environ 1500 m2.

Surtout présent dans les secteurs de basses et moyennes altitudes (entre 200 et 600 m), l’espèce s’élève toutefois jusqu’à 1800 m, voire localement jusqu’à 2103 m (maximum régional : Oulles, Isère en 1998).

L’apport des pelotes dans la collecte des données de campagnol agreste est très important. Au moins 86% des données collectées le sont de cette manière en Rhône-Alpes et notamment à partir de pelotes d’effraie des clochers, principale pourvoyeuse de pelotes.

 

Menaces et conservation

Nid de campagnols, Haute-Savoie © Christophe Gilles

Aucun risque important ne pèse sur l’espèce car celle-ci ne subit pas de destruction massive par empoisonnement comme le campagnol des champs. Elle est bien connue des forestiers et ne présente pas de risque majeur sur les parcelles en dehors des pépinières et des jeunes plantations.

Comme pour le campagnol des champs, il est important de conserver les talus dans les bocages afin de lui assurer un espace vital.

Le campagnol agreste, comme toutes les espèces de micro-mammifères, mériterait un travail approfondi pour compléter les connaissances déjà acquises. Il serait par exemple intéressant de réaliser des campagnes de captures sur les secteurs où nous ne trouvons pas de pelotes afin de compléter son aire de répartition. Les connaissances départementales sont souvent liées également au travail bénévole des groupes micro-mammifères locaux. Ces groupes n’ont pas le même dynamisme d’un département à l’autre et une mise en commun des compétences serait souhaitable.

Rédacteur : Guillaume ALLEMAND, octobre 2019