Daim Europeen, parc du Chambaran, 2017 © DELAGE Valérie

Présentation et description

Daim, parc de la grande Jeanne, Haute-Savoie © Christophe Gilles

Le daim est un mammifère artiodactyle appartenant à la famille des cervidés. L’espèce constitue à elle seule le genre dama et comprend deux sous-espèces : Dama dama dama, le daim européen proprement dit, et Dama dama mesopotamica  aujourd’hui limité à quelques localités d’Iran.

Le daim européen présente une stature intermédiaire entre le cerf et le chevreuil. Sa taille et son poids sont très  variables non seulement en fonction de l’âge et du sexe mais aussi des conditions environnementales dans lesquelles il évolue (Henry 1980). La longueur du corps varie entre 1,20 et 1,60 m et la hauteur au garrot entre 0,80 et 1,10 m. Le poids varie entre 30 et 90 kgs mais peut dépasser 120 kgs pour certains mâles. La tête est plutôt fine et plus courte que celle du cerf. La robe est généralement fauve-roussâtre avec des taches blanches durant l’été. Les parties inférieures sont blanchâtres. La robe  devient plus foncée et plus uniforme en hiver. L’espèce ayant fait l’objet de diverses sélections, différents patrons de colorations sont présents selon l’origine des animaux. L’albinisme ou le mélanisme partiel sont fréquents ainsi que la robe dite «  ménil ». La queue, relativement longue, apparaît noire ou brunâtre lorsqu’elle est rabattue mais sa face inférieure est blanche. Elle tranche vivement sur le miroir fessier blanc, lui-même largement bordé de noir. Au-delà de la corpulence, et comme chez la plupart des cervidés, le dimorphisme sexuel est caractérisé par la présence de bois chez les mâles. Ces bois, qui peuvent atteindre 70 cm de longueur, sont caractérisés par une palmure qui se développe sur leur partie supérieure dès l’âge de 4 ans. Par ailleurs, l’encolure et la tête des mâles présentent une coloration beaucoup plus foncée en période de rut.

Le comportement social du daim est relativement proche de celui du cerf avec une tendance au grégarisme plus accentuée. Le rut est toutefois plus tardif et intervient généralement de mi-octobre à mi-novembre. L’appel du mâle (le raire) évoque un grognement saccadé plutôt discret en comparaison de la vocalisation des autres cervidés européens. L’expression de ces comportements sociaux est très atténuée dans les populations où les daims sont rares et dispersés. La gestation est d’environ 230 jours. La femelle met bas relativement tard (juin ou juillet) un faon unique. Le daim apprécie les milieux variés alliant les forêts plus ou moins claires et principalement feuillues aux prairies, landes et cultures. Son amplitude altitudinale est faible allant de la plaine à l’étage collinéen. Il ne fréquente qu’exceptionnellement l’étage montagnard.  Son régime alimentaire est varié et proche de celui du cerf.

Généralement considéré comme  exogène malgré son nom vernaculaire et son « histoire » (cf. infra), cet ongulé doit aujourd’hui sa présence sur le territoire de France métropolitaine à différentes introductions aux motivations diverses. Il a souvent été, et est toujours, considéré comme animal d’ornement et de ce fait a été introduit dans de nombreuses propriétés clôturées. Mais son introduction en enclos reste principalement axée sur des objectifs  cynégétiques et, plus récemment, pour la production de venaison. Les enclos concernés sont de dimensions très variables,  de quelques hectares pour les daims d’ornement à plusieurs centaines d’hectares pour les daims de tir. A partir d’animaux échappés de ces enclos, de petites populations ont pu s’établir ici et là. Des lâchers volontaires en nature ont également eu lieu.

Le daim est une espèce gibier. Hors des enclos, il fait généralement l’objet d’un plan de chasse départemental. Dans la plupart des cas, ce plan de chasse vise à éradiquer les animaux échappés et à empêcher ainsi l’installation de populations viables. Le daim est donc une espèce rare en France, généralement considérée comme indésirable contrairement à ce que l’on observe dans la plupart des autres pays européens. Pour la saison de chasse 2018-2019, moins de 1500 daims ont été tirés en France (pour 3500 attributions). Ces chiffres sont à comparer aux 585.000 chevreuils et 65.000 cerfs tirés dans le même temps.

Etat des connaissances

Historique

Contrairement à d’autres ongulés introduits (cerf sika, hydropote de chine, cerf muntjac, mouflon à  manchette, …), l’exotisme du daim doit être fortement relativisé. Le genre Dama a été largement répandu en Europe, et donc en France, durant les périodes interglaciaires du quaternaire. Il semble par contre s’être réfugié principalement au Proche-Orient et en Asie mineure  durant les phases les plus froides du pléistocène et en particulier durant la dernière glaciation (Wurm). Une présence relictuelle de l’espèce à cette époque dans quelques refuges du sud de l’Europe (Italie, Balkans méridionales, voire Espagne) reste une hypothèse plausible mais non confirmée aujourd’hui. Néanmoins, il ne semble pas avoir naturellement  recolonisé le reste de l’Europe à partir du réchauffement Holocène. Une recolonisation partielle au mésolithique suivie d’une éradication au néolithique est toutefois envisageable bien qu’aucun matériel ostéologique ne puisse attester cette hypothèse (Chapman & Chapman 1980).

Le retour du daim en Europe, en particulier dans les régions méditerranéennes (Italie y compris Sardaigne, Espagne, …) où l’espèce s’est maintenue jusqu’à nos jours, est attribué aux introductions effectuées par les romains. Plus au nord, les populations introduites par ces derniers n’ont généralement pas persisté durant la période historique et les daims qui sont présents dans une grande partie de l’Europe aujourd’hui proviennent d’introductions ayant eu lieu plus récemment. Chapman (1975) évoque toutefois sa présence à  l’époque médiévale en Angleterre.

Le daim est aujourd’hui présent dans la plupart des pays d’Europe y compris en Scandinavie.  C’est en Grande-Bretagne qu’il est le plus répandu avec une population de plusieurs dizaines de milliers d’individus (Chapman & Chapman 1975). Il est également bien représenté en Bulgarie et en Hongrie. En dehors du continent européen, l’espèce a également été introduite dans de nombreux pays (USA, Australie, Nouvelle Zélande, Afrique du Sud, Argentine, …). Elle est par contre devenue rare et même menacée dans son refuge de la période glaciaire. En Asie mineure, la sous-espèce nominative ne fréquente plus que quelques poches entre la chaîne du Taurus et la côte méditerranéenne. En Iran, une autre sous-espèce  Dama dama mesopotamica, qui peuplait initialement l’ensemble du Proche-Orient, reste aujourd’hui très vulnérable.

Alors que cet ongulé est dans une situation précaire dans son  « berceau » proche oriental du fait d’une forte pression humaine locale (braconnage, concurrence avec le bétail domestique), il bénéficie au contraire d’une situation plutôt favorable en Europe découlant de l’intérêt que l’homme lui  manifeste, en grande partie pour son intérêt cynégétique !  Toutefois, à  l’exception de la Grande-Bretagne, cet intérêt n’est pas général et le daim reste une espèce assez localisée. Compte tenu du faible nombre d’espèces d’ongulés présentes aujourd’hui sur le continent européen, en comparaison notamment de l’Amérique du nord, le daim devrait pouvoir trouver une meilleure place. On peut considérer que la France figure au premier rang des pays peu enclins à lui accorder cette place. Cette désaffection  découle principalement du peu d’intérêt que le monde de la chasse accorde à ce « gibier » (Durantel 2003).

Les premières introductions en France remonteraient au 18ème siècle (Schall 2014). La seule qui ait vraiment réussi est située en Alsace. En 1854, les premiers daims sont lâchés dans la forêt de l’Illwald sur la commune de Sélestat. La population s’est maintenue dans ce secteur avec des fluctuations importantes au cours du temps. Elle colonise aujourd’hui un vaste territoire sur environ 30.000 ha et atteindrait plus d’un millier d’individus. Exception française, cette population est désormais considérée localement comme un véritable patrimoine régional à conserver. Elle reste toutefois très « surveillée », en particulier par les forestiers. Sur le reste de l’hexagone, aucune population ne semble réellement fixée hormis sans doute en Ile de France. En 2013, l’enquête quinquennale de l’ONCFS recensait 137 « entités » (groupe d’au moins deux individus) de daims en liberté sur 53 départements. Mais seulement 16% d’entre elles atteignaient 20 individus (Saint Andrieux & al 2014).

Carte de l'état des connaissances sur le daim européen

Distribution actuelle

Il n’existe pas de données historiques concernant Rhône-Alpes (l’atlas publié par la FRAPNA en 1997 mentionne l’espèce uniquement en enclos). Dans l’enquête de l’ONCFS de 2013, le daim était mentionné dans trois départements de  Rhône-Alpes : l’Ain, l’Isère et la Loire. Les entités présentes précédemment en Drôme avaient disparu.  82 données (réparties sur 33 mailles) ont été recueillies dans le cadre de cet atlas. Deux départements ne sont pas cités, l’Ardèche et la Savoie. Mais plusieurs données concernent des observations en enclos ou bien un même animal observé à plusieurs reprises !  Compte tenu de ces anomalies, on peut estimer que les deux enquêtes ne divergent pas fondamentalement.

Concernant l’amplitude altitudinale, la plupart des données sont situées entre 200 et 600 m. Moins de dix d’entre elles concernent une altitude supérieure, sans jamais dépasser 840 m (Laffrey, Isère).

Une analyse fine de ces données laisse apparaître que la plupart concernent des observations ponctuelles d’un ou deux  animaux, souvent à  proximité d’enclos d’élevage. Le département de l’Isère arrive en deuxième position quant au nombre de citations (17) ce qui pourrait correspondre à un nombre plus important d’enclos abritant l’espèce dans ce département. Le cas du département de la Loire est plus intéressant puisqu’il arrive largement en tête pour le nombre d’observations qui représente 53 % de l’ensemble des données. Compte tenu de leur localisation, il apparaît que le daim pourrait être implanté sur un secteur particulier au sud-ouest de la plaine du Forez (voir encart). Cette région abritait déjà une petite population cantonnée plus au Nord, sur la commune de Sainte-Foy-Saint-Sulpice et ses alentours à la fin du XXème siècle. Elle aurait atteint jusqu’à une trentaine d’individus mais aurait quasiment disparu aujourd’hui d’après l’ONCFS. Quelques données attestent néanmoins que le daim n’a pas totalement disparu du secteur avec même une connexion possible avec la nouvelle implantation plus au Sud.

Impact et gestion

Harde de daims au printemps, Pays Bas, juin 2018 © Marc Michelot

Lorsqu’il évolue dans un contexte anthropisé, ce qui est généralement le cas, le daim est susceptible d’avoir un impact sur les biotopes (consommation de la végétation) et les biocénoses qu’il fréquente (concurrence avec d’autres espèces d’ongulés). Il est aussi potentiellement porteur d’agents pathogènes. Comme tous les cervidés, le daim est considéré comme une espèce impactante sur la forêt productive par les professionnels concernés. Sa réputation d’espèce « exotique » ne fait que renforcer l’a priori négatif dont il est victime. Néanmoins, compte tenu de la faible implantation de l’espèce, son impact global peut être considéré comme nul ou négligeable en Rhône-Alpes y compris dans le département de la Loire.

En tout état de cause le qualificatif d’espèce invasive dont il a pu être affublé  n’est pas recevable. En référence à son « histoire » (cf. supra), il mériterait plutôt une plus grande considération en tant qu’ongulé susceptible de compléter une guilde de grands herbivores largement appauvrie sur notre continent. Sans nécessairement promouvoir des opérations de réintroduction, les nouvelles implantations issues d’échappements pourraient faire l’objet d’une évaluation globale permettant de juger de la pertinence de leur maintien. A l’heure actuelle, elles font trop systématiquement l’objet de décision d’éradication dans le cadre des CDCFS.

A ce titre, au niveau de Rhône-Alpes, la petite population du Forez (voir encart) mériterait un suivi approprié pris en charge autant par les instances cynégétiques concernées que par les associations naturalistes.

Une implantation pérenne du daim en Forez ?

L’analyse des données, confirmée par divers témoignages, indique la présence d’une petite population installée sur un secteur d’environ 15.000 ha au sud de Montbrison et située grosso modo dans le triangle Saint-Romain-le-Puy, Saint-Marcellin-en-Forez, Soleymieux. Son origine provient d’une grande propriété où les daims ont été introduits initialement (date inconnue). Cette propriété n’étant pas entièrement close, les daims ont essaimé dans le secteur et des individus isolés ou en petits groupes sont observés ici et là. Malgré les diverses entraves à  leurs déplacements (réseau routier, clôtures diverses, zones urbanisées) certains animaux seraient susceptibles d’ « estiver » sur les pentes des monts du Forez, à l’Ouest, et redescendraient pour passer la mauvaise saison en plaine et en particulier dans la propriété, « berceau » de la population. Les milieux disponibles sont très variés : boisements de superficie et d’essences variées, prairies, cultures, vallons encaissés avec ripisylves et landes sèches sur les pentes, etc.

Le nombre d’individus est inconnu et probablement fluctuant. Il pouvait être estimé à « quelques dizaines d’individus » en 2016/17. Trois attributions avaient été octroyées au plan de chasse départemental, sans réalisations. En tout état de cause, sa faible densité rend ce noyau de population particulièrement discret.

Là comme ailleurs en France, et bien qu’elle semble bénéficier d’une relative bienveillance, ou d’une certaine indifférence, de la part des services de l’état et des instances cynégétiques, la pérennité de cette populations n’est pas garantie.

Merci à Franck Vital (Fédération de chasseurs de la Loire) et à André Ulmer (FRAPNA/FNE Loire) pour les renseignements qu’ils ont bien voulu nous fournir.

Daims, Ile de France, 2015 © Vincent Vignon

Rédacteur : Marc MICHELOT, janvier 2020