Loup Gris, Parc la Garenne, janvier 2017 © Nicolas Balverde

Présentation et description

Loup ibérique, Cordillère Cantabrique, Espagne, juin 2016 © R. MATHIEU

Les avancées récentes et rapides de la génétique moléculaire bouleversent la classification et l’histoire évolutive de tous les être vivants. Le groupe des canidés, apparu il y a 40 Millions d’années, ne fait pas exception. Sur ce sujet complexe et en pleine évolution on pourra consulter la synthèse de l’état des connaissances adaptée à un public de non spécialistes publiée par J.-M. LANDRY (2017).

Aujourd’hui, le nombre d’espèces du genre Canis fait débat au sein de la communauté scientifique qui, selon les auteurs, distingue entre 8 et 12 espèces différentes.

Rhône-Alpes abrite à l’état sauvage, deux espèces du genre Canis : le loup gris (Canis lupus) et, depuis 2017, le chacal doré (Canis aureus). Le loup rhônalpin appartient génétiquement à la lignée italienne : Canis lupus italicus. On notera que le chien et le loup appartiennent à la même espèce. Le chien (Canis lupus familiaris) constitue la sous-espèce domestique du loup gris (Canis lupus). Compte tenu de leur extrême proximité génétique, la distinction entre un loup et un chien peut s’avérer délicate sur le terrain en particulier concernant certaines races de chien qui présentent une morphologie très proche de celle du loup.

Le loup rhônalpin présente un pelage à dominante gris beige nuancé de roux et de noir et lors d’une observation in natura (observation directe, photographie ou vidéo) d’un loup adulte ou sub-adulte, quelques critères, souvent plus marqués en pelage d’hiver, permettent de le distinguer d’un chien.

Chez le loup :

  • Poids des individus adultes : moyenne entre 25 et 35 kg avec léger dimorphisme sexuel en faveur des mâles.
  • Hauteur moyenne au garrot entre 60 et 70 cm avec, là aussi, un léger dimorphisme en faveur des mâles.
  • sur le profil, la moitié supérieure du dos présente une nuance plus foncée que la partie inférieure ;
  • sur la face : présence d’une tache claire sus-orbitale, d’une tache noire sous-orbitale et d’un masque facial blanc qui se caractérise par une tache claire de forme plus ou moins arrondie sur la joue (tache zygomatique) et une large bande claire qui part du museau et longe la lèvre supérieure pour rejoindre la tache zygomatique avec laquelle elle peut se fondre ;
  • De face, la face antérieure des « épaules » est blanche ;
  • Les oreilles bordées d’un liseré noir sont plutôt courtes, arrondies et écartées ;
  • la queue est assez courte (elle dépasse rarement le talon), avec une extrémité noire ;
  • il existe une bande sombre longitudinale sur la partie antérieure des pattes avant (en dehors des sous-espèces italiennes et ibériques, ce critère est beaucoup plus discret, voire absent).

Depuis 2017, en Rhône-Alpes, la confusion est possible avec le chacal doré. Voici quelques critères qui peuvent permettre de distinguer un loup d’un chacal doré :

  • la taille du chacal se situe entre celle du renard et celle du loup (pas simple si on ne possède pas l’échelle…) ;
  • il est important de se concentrer sur l’observation de la tête et des pattes : le chacal possède un museau plus court et plus fin et la tache zygomatique est absente (masque facial beaucoup plus discret chez le chacal) ; concernant les pattes avant : on ne retrouve pas la bande sombre longitudinale antérieure (toujours présente chez les loups de la lignée italienne et espagnole).

Etat des connaissances

Historique

On distingue quatre périodes dans l’histoire récente du loup en France

1- Avant la Révolution française : des loups omniprésents

À la fin du XVIII ème siècle, le loup était présent sur l’ensemble du territoire national avec une population de plusieurs milliers d’individus. La destruction des loups était une pratique courante et devait concerner une part importante des effectifs présents.

2- De la Révolution française au début du XX ème siècle : un déclin sévère

En France, à partir de la fin du 18ème siècle et tout au long du 19ème, la conjonction d’une pression démographique paysanne à son apogée, la libéralisation du droit de chasser, les progrès techniques en matière d’armes à feu, l’utilisation à grande échelle de la strychnine et le montant élevé des primes accordées directement aux tueurs de loups allaient fournir aux paysans une occasion unique de mettre en œuvre la phase finale de l’éradication et d’obtenir, en un peu plus d’un siècle, l’élimination des loups du territoire national…

3- Du début du XX ème siècle à la décennie 1990 : l’éradication avec des apparitions sporadiques

En Rhône-Alpes, les tout derniers loups sont tués dans les premières années du XX ème siècle. On considère qu’avant la première guerre mondiale, les loups ne sont désormais présents que sur quelques fragments du territoire national et les rares points de « résistance lupine » se situent dans le Nord-Est et le Centre-Ouest. A la veille de la seconde guerre mondiale, en France, les loups avaient été totalement éradiqués. A partir du milieu du XX ème siècle et jusqu’au début des années 1990, on signale sporadiquement des loups abattus en Rhône-Alpes. Dans la plupart des cas il n’est pas possible de vérifier l’authenticité des faits rapportés et encore moins de déterminer la provenance de l’animal. Sans qu’il soit possible d’éliminer formellement l’hypothèse de loups échappés de captivité ou relâchés intentionnellement, il est probable, compte tenu de la capacité de l’espèce à se disperser sur des centaines de kilomètres, que ces loups soient des individus en dispersion, originaires d’Italie, voire des Balkans.

Un seul cas a fait l’objet d’une analyse génétique, il s’agit d’un loup abattu en Isère, entre les communes de Vignieu et Sermerieux, le 12 janvier 1954. Ce loup sera identifié comme issu de la lignée italienne en 2004 (in LANDRY, 2013).

4- Années 1990 : le retour

A la fin du XX ème siècle, en France, toutes les conditions étaient réunies pour un retour naturel du loup dans les Alpes à partir des populations italiennes : diminution de la pression paysanne du fait de l’exode rural, augmentation importante des effectifs d’ongulés sauvages qui constituent la base alimentaire du loup et, dans une moindre mesure, la reforestation des Alpes françaises et la protection légale de l’espèce.

En novembre 1992, deux gardes moniteurs du Parc National du Mercantour observent deux loups au cours d’une opération de recensement des ongulés sauvages. Cette date marquera le retour officiel du loup sur le territoire national.

En France, à la fin des années 1990 (moins de 10 années après leur « retour officiel ») les loups sont observés sur l’ensemble de l’arc alpin (Mercantour, Vercors, Queyras, Maurienne, Belledonne, Oisans…) et l’espèce a atteint les Vosges (1994 ?), le Massif central (1997) et les Pyrénées (1999). C’est dans le Mercantour que les premiers indices de reproduction ont été relevés sur la meute de Vésubie-Tinée : “Le passage de deux à six individus en 1993 dans la meute “Vésubie-Tinée” (figure 11) est donc révélateur de la naissance d’une portée cette année là, même si aucun louveteau n’a été vu. Les observations directes de louveteaux réalisées les années suivantes indiquent une mise bas annuelle dans cette meute de 1995 à 1998.” (POULLE et coll., 2000).

Dans le premier numéro de la revue « Quoi de neuf » publiée par l’ONCFS en mars 1998 on pouvait lire : « […] Vingt loups répartis en quatre meutes sont présents dans le Mercantour (côté 06). Des louveteaux ont été observés au cours de l’été 1997 […] ». Il faudra attendre 2013 pour que la reproduction du loup soit confirmée en dehors des Alpes : dans les Vosges après 21 années de présence sur ce massif. Depuis cette date, il n’y a plus aucune donnée de reproduction dans les Vosges.

Carte de l'état des connaissances sur le loup gris

Distribution actuelle

Il faudra attendre 2013 pour que la reproduction du loup soit confirmée en dehors des Alpes : dans les Vosges après 21 années de présence sur ce massif. Depuis cette date, il n’y a plus aucune donnée de reproduction dans les Vosges.

En France, en 2018, mise à part la brève parenthèse vosgienne de 2013, il n’existe aucune preuve que le loup se reproduise en dehors des Alpes.

Combien de meutes aujourd’hui en France ?

Depuis 1998, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) à partir des données recueillies par le réseau loup, publie plusieurs fois par an une synthèse de l’état des connaissances concernant l’évolution des populations de loups en France.

Le réseau loup est placé sous la direction de l’ONCFS. Il se compose de plus de 3000 correspondants formés provenant d’horizons très divers : agents publics (parcs nationaux ou régionaux, réserves naturelles, Office national des forêts – ONF…), bénévoles ou techniciens issus des organismes cynégétiques ou des associations de protection de la nature, agriculteurs, naturalistes, simples particuliers…

Dans le suivi des populations de loups, les deux éléments essentiels sont :

1- La localisation des zones où le loup est installé (différent d’une simple zone de dispersion) : présence avérée et régulière de l’espèce sur tel ou tel territoire durant deux hivers consécutifs avec, au minimum, trois indices de présence (Cette zone est alors définie comme Zone de présence permanente de l’espèce, ZPP) ; lorsque les informations recueillies permettent de conclure qu’au moins trois loups sont installés sur un même territoire ou qu’une reproduction est avérée, on parle de ZPP avec meute.

2 – La localisation des zones où des indices probants permettent de conclure à une reproduction certaine (ZPP avec reproduction).

À la fin de l’été 2018 (ONCFS, 2018), on estime que la population des loups, en France, se répartit sur 85 ZPP dont 72 sont constituées en meutes (au minimum 3 individus et/ou reproduction avérée) ;

Répartition des ZPP en France à la fin de l’été 2018, d’après ONCFS, flash info du 30 novembre 2018. Ronds : Zones de présence permanente (ZPP) avec meute ; Étoiles : ZPP à confirmer et Triangles : ZPP sans meute.

 

En 2018, 43 reproductions ont pu être confirmées  et il n’existe aucune reproduction en dehors du massif alpin.

Rhône-Alpes compte 28 ZPP confirmées avec meute et 6 ZPP non confirmées. Parmi ces 28 ZPP, 7 sont partagées avec 3 départements de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur -PACA (Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence et Vaucluse) et 1 avec l’Italie. En ne prenant en compte que les loups dont les territoires sont entièrement situés en Rhône-Alpes, on peut estimer la population de loups rhônalpins organisés en meute à environ 100 individus avant naissance. En prenant en compte tous les loups qui vivent en Rhône-Alpes et territoires limitrophes (individus organisés en meute, sujets périphériques et dispersants), la population « rhônalpine » totale est d’environ 200 loups.

Pour plus de détails sur la répartition des loups en France, on consultera le portail cartographique de l’ONCFS à la rubrique « Carnivores» ICI.

L’énigme haut-savoyarde ?

En examinant la carte de répartition des ZPP dans les Alpes françaises (carte ONCFS, bilan du suivi estival 2018) on est surpris de constater que le département de la Haute-Savoie n’abrite qu’une seule ZPP confirmée (ZPP avec meute du massif des Bornes).

Les milieux favorables et les ressources trophiques étant présents en abondance, on peut parler de l’exception haut-savoyarde.

A côté de l’hypothèse « braconnage », certains évoquent la prédation des loups par les lynx (phénomène décrit en Biélorussie par SIDOROVITCH V. et ROTENKO I., 2018). En comparant les cartes de répartition des deux espèces, on est effectivement surpris par le fait que la présence du lynx semble exclure celle du loup… L’« exception haut-savoyarde» mériterait  une analyse plus fine pour tester l’hypothèse de la prédation.

Pour plus de détails sur la répartition des loups en France, on consultera le portail cartographique de l’ONCFS à la rubrique « Carnivores» ICI.

En Europe, de la Baltique aux Balkans, la population de loups est estimée à environ 12 000 individus (avant naissance), soit autour de 1500 meutes dont environ 80 % vivent dans les pays de l’Union Européenne (UE) ;

Carte de répartition du loup en Europe

Il semble que la population lupine européenne soit en augmentation (ou stable selon le pas de temps considéré) avec cependant des situations inquiétantes dans certaines populations locales de la Péninsule ibérique (nord de la Sierra Morena) ou de Carélie (Finlande). Les importantes populations de loups du sud-est de l’Europe (Carpates, Balkans, Alpes dinariques) étant mal connues, toutes les estimations et évolutions d’effectifs, concernant l’Europe, sont à prendre avec précautions.

Loup gris, Parc la Garenne, janvier 2017 © Nicolas Balverde

Menaces et conservation

Loup Gris, Sierra de la Culebra, Espagne, juillet 2006 © Georges EROME

En 2018, en France, le loup est de facto une espèce que l’on peut chasser et réguler avec un plafond, pour l’année 2018, de 51 individus à tuer. La seule obligation réglementaire qui contraigne l’État français, découle des textes internationaux ratifiés par la France et qui imposent que l’état de conservation de l’espèce ne se dégrade pas et/ou atteigne un statut favorable.

Dans un rapport publié en 2017, les scientifiques de l’ONCFS et du Museum national d’histoire naturelle (MNHN) fixent le seuil de viabilité à long terme de la population française de loups à plus de 2500 individus adultes (DUCHAMP et coll., 2017). « […] En l’absence de données suffisantes pour estimer cette viabilité à l’échelle du pays, on peut utiliser des règles générales  issues de la littérature scientifique et basées sur un grand nombre d’études et d’espèces pour définir une taille minimale de population viable. Cette approche, largement basée sur des considérations génétiques, nous indique que pour permettre à la population de s’adapter aux changements futurs et ainsi assurer sa viabilité sur le long terme, un effectif de 2500 à 5000 individus adultes constitue le minimum nécessaire. […]».

Sur une base essentiellement politique et ignorant les recommandations de la communauté scientifique, les rédacteurs du Plan national loup (2018-2023) ont fixé à 500 le nombre de loups à ne pas dépasser. Ce chiffre sera atteint au cours de l’année 2019.

Ces opérations de destruction aveugles appelées « tirs de prélèvement » sont effectuées en dehors de toute action de protection directe d’un troupeau et déclenchent une série de réactions en chaîne : les tirs de prélèvement entraînent des déstructurations de meutes qui à leur tour conduisent à une augmentation des dommages aux troupeaux, lesquels suscitent la colère des éleveurs qui réclament encore plus de tirs de prélèvements…

Un enchaînement prévisible qui fait perdre tout espoir d’instaurer une cohabitation apaisée et condamne les populations de loups à stagner à un niveau d’effectifs très en dessous du seuil de viabilité à long terme fixé par les scientifiques.

Un peu plus d’un tiers de siècle après le retour du loup en France et malgré les tentatives répétées des organisations agricoles pour s’opposer à son installation, l’opinion publique soutient les associations de protection de la nature dans l’idée que les grands prédateurs ont une place au sein de nos sociétés humaines.  Ce soutien est pour l’instant majoritaire, mais dans le contexte social et économique instable qui marque notre époque, rien, ni personne, ne peut garantir que ce soutien va se poursuivre.

Si aujourd’hui, en Rhône-Alpes et plus généralement en France, la dynamique démographique du loup reste globalement positive avec un accroissement du nombre de meutes et des effectifs (ONCFS, 2018), à moyen et long terme, chez-nous comme dans la plupart des pays européens, l’avenir du loup reste incertain.

Le loup et les attaques sur les humains ?

En 2002 le ministère de l’environnement norvégien a publié un rapport concernant les attaques de loups (KJETIL BEVANGER, LILL LORCK OLDEN et coll., 2002). Il s’agissait de compiler, de critiquer et analyser tous les écrits existants et traitant de la connaissance d’attaques sur l’homme au XX ème siècle, dans les pays scandinaves, en Europe continentale, en Asie et en Amérique du Nord.

Malgré la présence de plusieurs dizaines de milliers de loups en Europe, Russie et Amérique du nord, durant la seconde moitié du XX ème siècle, il n’existe que 9 cas documentés à partir de sources fiables de personnes ayant été tuées par des loups : 5 cas en Europe, 4 en Russie et aucun en Amérique du nord.

Ainsi, au XX ème siècle, les cas d’attaques mortelles de loups sur humains s’avèrent rarissimes et anecdotiques en comparaison de toutes les autres causes d’accidents mortels impliquant des humains et qui eux se chiffrent par millions durant la même période.

Concernant les siècles antérieurs au XX ème, la très grande majorité des attaques sur les humains était le fait de loups enragés et les cas d’anthropophagie étaient essentiellement le fait de loups consommant des cadavres sur les champs de bataille.

NB : Parmi toutes les régions étudiées, le sous-continent indien fait figure d’exception avec, dans les 30 dernières années, plusieurs centaines d’attaques mortelles de loups non enragés, essentiellement sur des enfants. Voici le commentaire des auteurs de l’étude norvégienne : « […] La plupart (des territoires concernés) sont d’anciennes forêts déboisées devenues terrains agricoles sur lesquelles il y a peu de proies sauvages et une densité humaine avoisinant 600 h/km2 vivant dans des conditions de précarité importante […] ». Durant ces mêmes décennies, et sur ces mêmes territoires, le nombre d’attaques létales sur humains, du fait d’autres espèces animales (éléphants, ours, tigre, hyènes…) est nettement supérieur.

Loup gris, Parc la Garenne, janvier 2017 © Nicolas Balverde

Rédacteur : Roger MATHIEU, décembre 2018

Compléments de l’auteur sur le sujet disponible sur le lien suivant :

Le loup en Rhône-Alpes et ailleurs, Roger MATHIEU, mars 2019