Bouquetin des Alpes, Champagny en Vanoise, octobre 2014 ©Dominique Mouchene

Présentation et description

Bouquetin des Alpes, octobre 2017 © Séverine Haberer

Ruminant de taille moyenne, le plus bas sur patte de ceux de la faune de Rhône-Alpes. Beige, fauve, brun, un peu plus foncé en hiver. La confusion reste possible avec Mouflon et, sauf mâles de plus de trois ans, avec le Chamois. Mais chez le Bouquetin des Alpes  le blanc ou le blanchâtre n’est jamais présent :

  • à la face, contrairement au  Chamois et au Mouflon ;
  • tout autour du bas de la patte comme chez le Mouflon ;
  • en « selle » nette comme chez Mouflon mâle adulte.

Particulièrement grégaire, le Bouquetin a une vie sociale complexe tant en ce qui concerne la composition de hardes que leur effectif et bien d’autres choses encore. Les principaux types de hardes sont celle de mâles, celles de femelles avec leurs jeunes, celle de jeunes émancipés et femelles sans jeune, enfin celles de rut : tout le monde ensemble. Si le maximum de fécondation a lieu en décembre, les prémices du rut commence bien plus tôt et il ne s’éteint que progressivement. En outre, à basse altitude, la saison, donc celle des naissances est plus étalée dans le temps, ce qui ne permettent pas rudesse et longueur de l’hiver en altitude.

Le dimorphisme sexuel est bien marqué :

Poids Cornes Pelage Contraste
Mâles 65-110 kg 90-100  cm Sombre, les membres encore plus
Vague zone plus claire fréquente sur le dessus du cou et du dos
Blanc sous la queue, la plupart du temps levée pendant le rut

faible

Femelles 35-70 kg 30 cm Clair : beige, châtain-fauve
Blanc : ventre et arrière des pattes
Foncé : reste des pattes et bande entre ventre et flancs
 

marqué

 

 

Etat des connaissances

Historique

Évolution et expansion préhistorique

Si le genre précurseur, Tossunoria, apparait en Asie centro-occidentale il y a 14 à 17 millions d’années, le genre Capra, lui, a moins de 200 000 ans. C’est pendant la glaciation du Riss qu’il s’étend vers l’ouest jusqu’au NE de l’Afrique et au trois grandes péninsules sud de l’Europe ainsi que, au nord, aux Carpathes et sites rocheux de Belgique, Bohème, Slovaquie. Il se différencie en espèces étroitement apparentée. Capra ibex apparait en Europe occidentale aux alentours du Riss moyen, occupant tous les reliefs du sud de la France dès le début du Würm. Le Bouquetin ibérique Capra pyrenaica s’est différencié plus tardivement.

Extermination historique

Dans des biotopes dépourvus de pentes et de parois rocheuses les Ongulés rupestres n’auraient aucune chance d’échapper à des prédateurs, même pas à des chiens. Le Bouquetin se met hors de portée d’un danger en escaladant une paroi rocheuse, sans nécessairement fuir loin. Avant de le faire il peut tolérer la présence de grands Carnivores jusqu’à 50 ou 60 m. Très efficace face aux prédateurs naturels, ce comportement rend le Bouquetin extrêmement vulnérable aux armes tuant à distance. D’où son extermination précoce dans une grande partie de son aire de répartition. Armes toujours plus efficace, explosion démographique et facilités de transport toujours plus grandes avaient, au XIX° siècle, mené les deux espèces d’Europe au bord de l’extermination totale.

Restauration contemporaine

C’est à des politiques fermes, d’abord de protection des survivants, puis de réintroduction qu’on doit le remarquable renouveau démographique du bouquetin des Alpes.

Vers 1830 quelques dizaines de survivants sont encore présents dans le Grand Paradis (Italie) et peut-être la Haute-Maurienne (France). On sait qu’en 1960, après la seconde guerre mondiale, une dizaine d’individus sont observés en Vanoise. Aujourd’hui, près de 50 000 bouquetins des Alpes sont présents en Europe du massif de Vercors à la Slovénie, dont 20% à 25% en France avec plus de 11 000 têtes.

Carte de l'état des connaissances sur le bouquetin des Alpes

Distribution actuelle

La distribution actuelle du Bouquetin en Rhône-Alpes est la résultante de :

-potentialités écologiques: présence actuelle seulement là où la géomorphologie le permet ;
-action humaine : recolonisation spontanée à partir de
seul noyau survivant Vanoise, puis Encombres ;
-populations réintroduites en Suisse, Italie et France : amorcé le long de la bordure méridionale du Vercors
-réintroduction: partout ailleurs où l’espèce est actuellement présente
-extermination ancienne: absence actuelle où la géomorphologie permettrait la présence

En été des Bouquetins peuvent se voir jusqu’à 3000 m. voire un peu plus. Ceci même lorsque les ressources alimentaires y sont réduites : stationnement de confort thermique aux heures chaudes, avec prise de nourriture plus bas à des heures plus fraîches.
Au Mont Barret (NO du Vercors) un noyau de population prospère sur des versants rocheux escarpés s’étendant de 250 à 786 m, surtout observés entre 350 et 660 m.
Aux Encombres (Savoie) le Bouquetin dispose de pentes rocheuses favorables de moins de 800 à plus de 2800, minimisant les contrastes saisonniers par transhumance quasi-verticale.

La majorité des populations doivent affronter :

-ou bien la canicule d’un estivage à basse altitude. Alors, ils passent les chaudes journées à l’ombre de ligneux ou de blocs, dans la fraîcheur de cavernes ou de failles.
-ou bien les rigueurs d’un hivernage en haute montagne : sur des versants trop pentus pour qu’elle s’y accumule. Plus cette situation se prolonge, plus la survie hivernale des bouquetins dépend de l’accumulation de graisse à la belle saison.

La souplesse du comportement des Bouquetins leur permet de tirer parti de l’hétérogénéité de leur habitat pour trouver des stations au microclimat beaucoup plus supportable que celles régnant sur une grande partie de l’espace ou/et pendant de nombreuses heures de la journée.

La distribution statistique des données actuelles de Bouquetin n’a de sens biologique que si :
– on ne tient pas compte des massifs favorables où l’espèce n’est pas encore de retour. Faute de quoi, elle traduira essentiellement la distribution en altitude de l’effort de réintroduction ;
– dans les massifs où l’espèce est présente on la compare à la distribution en altitude des pentes favorables. Faute de quoi, elle traduira essentiellement la distribution en altitude des celles-ci ;
– on l’analyse en tenant compte de l’effort local de prospection : bien supérieur dans les Parcs Nationaux.
La distribution statistique des données actuelles de Bouquetin n’a de sens biologique que si :
– on ne tient pas compte des massifs favorables où l’espèce n’est pas encore de retour. Faute de quoi, elle traduira essentiellement la distribution en altitude de l’effort de réintroduction
– dans les massifs où l’espèce est présente on la compare à la distribution en altitude des pentes favorables. Faute de quoi, elle traduira essentiellement la distribution en altitude des celles-ci ;
– on l’analyse en tenant compte de l’effort local de prospection : bien supérieur dans les Parcs Nationaux.

Bouquetin des Alpes, Bargy, Haute-Savoie, novembre 2012 ©Julien Arbez

Menaces et conservation

Bouquetin des Alpes, avril 2016 © Stéphane le Gal

Le bouquetin des Alpes est de nos jours protégé, mais il pourrait encore être envisager de le chasser, seul menace pouvant peser sur lui à grande échelle.

Économie

Du fait de son habitat rocheux escarpé, aucun impact sur la végétation exploitée par l’Homme ne peut être avancée pour diminuer sa densité.

Écologie

Le Bouquetin des Alpes est celui de nos Ongulés le plus autorégulé : une forte densité entraine retard du début de la vie reproductrice des femelles et une diminution de la production moyenne  de jeunes.

Perturbations induites

La chasse entrainerait une augmentation considérable de la distance de fuite. Tout promeneur deviendrait perturbant, entrainant une réduction du domaine vital de la population, donc des potentialités démographiques. L’impact serait particulièrement élevé pour les populations de falaises de bordure de plateaux : habitats linéaires, sans profondeur de repli.

 « Vivre longtemps pour mieux se reproduire ? »

Contrairement à ce qu’on observe chez les autres Ongulés le taux de survie des mâles n’est pas, chez le Bouquetin, plus faible que celui des femelles, avec participation au rut plus tardive. Bouleversant structure démographique, la chasse altérerait comportement social et démographie, issus de millénaires d’évolution biologique. (Toigo et al. 2006, ONCFS)

Gypaète et autres Vautours

De tous les Ongulés sauvages et domestiques, le Bouquetin est le plus favorable à l’installation de Casseur d’os Gypaetus barbatus, le Chamois venant ensuite (Hirzel et al., 2004, Choisy 2010). Car, en dessous de la limite supérieure des forêts, plus un Mammifère est rupestre, plus est élevée la probabilité qu’un cadavre soit accessible, en paroi ou sur un éboulis à son pied. Là où ces Ongulés ne sont pas chassés la ressource n’est exportée hors du milieu naturel (Arlettaz com. or.). La réintroduction du Bouquetin dans la partie de l’aire actuelle du Percnoptère Neophron percnopterus dépourvue à la fois de cheptel domestique pendant la période d’élevage des jeunes et d’Ongulés sauvages non chassés serait une contribution majeure à la conservation du plus menacé des Vautours.

Intérêt pour une majorité d’humains de populations non chassées

Tous les pratiquants de la montagne sont beaucoup attachés l’actuelle facilité d’observation, effet de sa protection. Les professionnels du tourisme n’y sont pas insensibles. Il est scientifiquement très intéressant de pouvoir étudier une espèce dont l’ensemble des populations d’une vaste aire ne sont pas chassées. Dans les pays où l’espèce est chassée : n’importe qui, naturaliste comme randonneur, peut constater l’altération des populations

Énorme valeur symbolique

L’espèce a été menée par la chasse a mené au bord de l’extermination totale. Son sauvetage in extremis, a été un des plus grands succès de la protection de la nature, sa restauration en France a été une des motivations de la fondation du premier parc national français.

Bouquetin des Alpes, juin 2009 © Jean Bisetti

Rédacteur : Jean-Pierre CHOISY, décembre 2017