Mulot sylvestre, Le Grand Ratz, 2016 © Solenn Chaudet

Présentation et description

Mulot sylvestre, 2008 © Jérémie HAHN

Le mulot sylvestre, est encore appelé mulot gris, ou souris des bois.

Sa présence est attestée au moins depuis  le Pleistocène moyen (environ 400 millions d’années…), et serait issu d’une forme ancienne connue par ses fossiles : Apodemus dominans  (Pasquier, 1974).

Il a l’allure d’une « souris », avec une longue queue et des grandes oreilles toujours bien visibles. Son pelage varie du gris brun plus ou moins foncé, avec le ventre d’un blanc plus ou moins pur. La délimitation entre le pelage du dos et du ventre est relativement nette. Les juvéniles sont en général nettement plus gris. Sur le poitrail, entre les membres antérieurs, figure généralement une  tache  brun jaunâtre, d’étendue variable, mais jamais aussi étendue que chez le mulot à collier Apodemus flavicollis. La queue est également moins longue que chez ce dernier, avec un nombre d’anneaux allant de 120 à 170 (contre 180 à 230 chez le mulot à collier). Elle est donc globalement inférieure à la longueur du corps.  Elle présente le phénomène d’autotomie, et dans la nature les mulots amputés de leur extrémité caudale, ne sont pas rares. L’espèce est nettement nocturne comme l’indique ses larges globes oculaires proéminents.

Le mulot sylvestre a un régime alimentaire de type granivore : glands, faines, noisettes, noyaux de cerises ou d’abricots qu’il ronge pour en consommer l’amande. Mais il consomme aussi des fruits, des invertébrés voire de petits vertébrés si l’occasion se présente.

S’il ne grimpe pas aux arbres, il sait se déplacer agilement sur l’enchevêtrement de troncs couchés ou abattus par le vent. En hiver surtout, il fréquente les habitations, mais ne grimpe pas dans les étages.

Le mulot sylvestre peut être confondu avec le mulot à collier. En effet, la seule présence ou l’étendue du collier, s’avèrent parfois insuffisantes. Diverses mesures biologiques (électrophorèse des protéines), ou biométriques sur le crâne osseux (longueur mandibulaire vs longueur condylobasale, mesure du coefficient K, tubercule sur la M2 sup….), sont souvent nécessaires (BRUNET-LECOMTE, 1986, BUTET & PAILLAT,1997).

D’un point de vue taxonomique, le mulot sylvestre appartient à la famille des muridés sous-famille des murinés, genre Apodemus. Si plusieurs sous-espèces sont reconnues en Europe, en France métropolitaine, on ne reconnait que l’espèce type Apodemus sylvaticus sylvaticus. tandis qu’en Corse, c’est la sous-espèce d’Italie A . s. milleri, qui est présente (MICHAUX, 1998).

Ubiquiste type, le mulot sylvestre est présent dans tous les types de milieux, à l’exception des espaces totalement dépourvus de végétation buissonnante ou arborée. Ainsi les grands espaces agricoles ou les prairies sans haies ne lui conviennent pas, mais peuvent être saisonnièrement utilisés (OUIN et al., 1998).

Le mulot sylvestre se déplace beaucoup et a un rythme d’activité nettement nocturne. L’étendue du domaine vital des mulots adultes a été étudiée par divers auteurs, et s’avère très variable en fonction des saisons et de la disponibilité alimentaire. FAYARD 1974, a trouvé dans la réserve de Dombes une superficie de 1356 m² pour les mâles et 1160m² pour les femelles, tandis que les jeunes beaucoup plus sédentaires ne se déplacent que sur quelques centaines de m². D’autres auteurs cités in BUTET & PAILLAT, donnent des superficies variant de 322m² à 14533m² pour les mâles et 372 à 8028m² pour les femelles.

Concernant les déplacements et le retour au territoire après délocalisation, FAYARD dans la réserve de Dombes a trouvé les valeurs suivantes : 5 à 10 m du terrier pour les juvéniles des deux sexes, et jusqu’à 45 m pour les mâles, avec une tendance forte à des déplacements plus lointains. Par ailleurs, 1 mâle adulte, capturé et transporté hors boisement à 200m de distance, reprend immédiatement la direction de son territoire où il est recapturé dès le lendemain. Un autre mulot, juvénile celui-là, donc en principe sans expérience territoriale, est capturé puis relâché à 180 m. Il est recapturé 3 jours plus tard à l’endroit même de sa première capture.

Le mulot sylvestre n’est pas sujet à des phases de pullulation. Mais il peut cependant être momentanément et localement en forte densité. TELLERIA et al. (1991), ont montré que, dans le centre de l’Espagne, les mulots se réfugient en hiver dans de petites surfaces boisées en bordure de zones agricoles, où ils peuvent avoir des densités élevées susceptibles de concurrencer d’autres espèces comme le campagnol roussâtre, et par leur forte consommation de glands, compromettre la régénération forestière.

Le nombre de portées annuelles est de deux, et la génération de printemps est apte à se reproduire dès l’automne, donnant des jeunes qui passeront l’hiver pour se reproduire au printemps suivant (BUTET & PAILLAT op.cit). En été les populations comportent une majorité de jeunes individus.

La sex-ratio est variable au fil des saisons, avec un nombre de mâles excédentaires au printemps. Des paternités multiples (polyandrie) ont été mises en évidence dans 50% des cas en Ukraine (BAKER et al, 1999).

Etat des connaissances

Historique

Le mulot sylvestre présente une vaste aire de répartition, s’étendant jusqu’à l’Altaï à l’Est et le Liban au sud (BUTET & PAILLAT, op.cit.). Mais il manque aux contrées nordiques, indiquant par-là, ses affinités méridionales. Selon Michaux, tous les mulots actuels auraient une origine sud européenne, et c’est le seul mulot présent en Afrique du Nord (ssp A.s. hayi) (MICHAUX, op.cit.).

Il est très largement répandu dans la région AURA, que ce soit dans la partie Auvergne ou la partie Rhône-Alpes. Lors des séquences de piégeage, il représente toujours une proportion relativement faible des captures. Ainsi dans le département du Rhône, sur 11000 proies les pourcentages  de mulot variaient de 6,1 dans les plaines agricoles de l’Est lyonnais à 16 dans la vallée du Rhône (ARIAGNO et al.., 1981), tandis que pour le département de la Loire AULAGNIER et al. 1983, ont trouvé des valeurs de 9,9 dans la plaine du Forez, 11,7 dans le massif du Pilat et 17,8 dans les monts du Forez. Enfin, une étude comparative portant sur 13400 proies de la Dombes et de la plaine du Forez, a fourni des proportions de mulots (Apodemus sp.) respectivement de 6,3 et 11,2  (Aulagnier et al., 1980).

Les données disponibles sont donc nombreuses (1253 en Rhône-Alpes depuis 2005), et d’autres sont connues depuis près d’un siècle (N = 1466). Une source importante d’acquisition des données provient de l’analyse des pelotes de réjection des rapaces. Ainsi sur les 1466 données précitées, un quart (25,5%) provient des pelotes de rapace. Les autres proviennent du piégeage ou d’autres sources occasionnelles : capture par des chats, collecte de cadavre, analyse de fèces etc.

Carte de l'état des connaissances sur le mulot sylvestre

Distribution actuelle

Le mulot sylvestre est sans doute un des petits mammifères les plus communs de la région AURA, voire de la France entière (QUERE et LE LOUARN, 2011). C’est le constat auquel la carte de répartition de l’espèce en Rhône – Alpes permet d’arriver au premier abord. Cependant un dénombrement minutieux du nombre de mailles où sa présence est avérée, met en évidence que celle – ci ne l’est que sur 51 % des mailles de l’atlas (N = 208, sur 405 mailles au total). De plus, à l’exception de deux mailles situées en Isère, 206 présentent un nombre de données faibles inférieures à 34. L’ensemble de ces mailles représente 20 800 km2, soit 48 % de la superficie de Rhône – Alpes. La carte de répartition des données permet d’affiner l’analyse : sur les 1466 données qui ont permis de la construire, 1253, soit 85,5 %, sont issues de données récoltées pendant la période de l’atlas, 2005 à 2018. Avant 2005, il n’existait aucune donnée pour trois départements : l’Ardèche, la Savoie et la Haute – Savoie, bien qu’une première analyse de la répartition des murinés ait été conduite par FAUGIER et BULLIFFON (2015) sans que les dates des données mentionnées ne soient citées. La carte de répartition des observations met également en évidence l’absence de prospection suivi pour cette espèce : sur 355 observations seulement 62 (17,4 %) permettent de certifier la présence du mulot sylvestre, avant 2005 puis de 2005 à 2018 sur la même maille.  L’altitude maximale ou l’espèce a été trouvée est de 1867 mètres, sur la commune du Reposoir, en Haute – Savoie, aux abords du massif des Aravis.

Bien que MAC DONALD et BARRET (1994) le mentionnait jusqu’à 2500 mètres, il est connu depuis, que l’espèce est remplacée dans les Alpes, comme le Mulot à collier Apodemus flavicollis, par le mulot alpestre Apodemus alpicola au-delà de 2000 mètres (QUERE et LE LOUARN op.cit.).

De même son amplitude altitudinale est conforme à la littérature, il est présent depuis les plaines rhodaniennes jusqu’à près de 2000 mètres dans les Alpes. Bouche mentionne l’espèce à 1850 m en Vanoise (Bouche, 2004). Dans le département du Rhône sa présence est connue sur Monsols à 1008 mètres au Mont Saint-Rigaud. L’amplitude moyenne observée pour l’ensemble des départements rhônalpins est de 1359 mètres, 801 mètres dans celui du Rhône.

Mulot sylvestre, RNR de la galerie du pont des pierres, avril 2015 © Francisque BULLIFFON

Menaces et conservation

Mulot sylvestre © Joudrier Patrick

Le mulot sylvestre étant largement répandu sur une grande aire de distribution, avec des populations souvent abondantes, aucune menace propre à l’espèce n’est à ce jour identifiée. Cependant l’arrachage des haies, l’artificialisation des milieux ne lui sont pas favorables. Au contraire, le maintien d’espaces diversifiés, avec des arbres et des arbustes, des réseaux de haies, favorisent sa présence et garantissent sa pérennité.

La prédation exercée par les rapaces, carnivores (dont les chats domestiques), reptiles…, est bien réelle. Mentionnons en particulier, le cas de la Genette, quelque peu « spécialisée » sur le mulot. Une étude conduite dans le département du Rhône, par analyse du contenu des fécès, a montré un % de mulot atteignant 70% (ARIAGNO, 1985). En région PACA, SOURET et RIOLS, ont aussi trouvé des pourcentages de mulot de près de 52% dans le régime de la Genette (SOURET et al, 2018).

Cependant cette forte prédation, n’affecte pas l’espèce compte-tenu de son abondance et de sa vaste distribution.

Le mulot et la vipère

Quelque part sur le Larzac en été. Ce soir, je décide de faire un affut au mulot. En effet bien que très commun, cette bestiole n’est pas facile à observer au vu de ses mœurs nocturnes… Assis à 2m, sur un sol caillouteux, je guette divers trous semblant occupés. Le temps passe, rien ne sort. Il fait presque nuit quand je sens quelque chose bouger sous ma cuisse droite. Serait-ce le mulot ? Je me déplace légèrement : non ce n’est pas lui, ou plutôt si, mais c’est une vipère qui l’a dans la gueule et qui tente de le régurgiter ! Elle était allée le chercher directement chez lui.

Schema dentition mulot

Mesure du coefficient K

Ce coefficient discriminant, issu d’une formule pittoresque, permet de séparer  le mulot sylvestre  et le mulot à collier à partir d’un crâne en bon état, ce qui n’est pas souvent le cas avec les pelotes de réjection. On aura donc intérêt à préparer le crâne à partir d’un cadavre.

Formule : K = – 11,03 a +7,48 b + 13,7 c + 27,73 d               (a, b, c, d, en millimètres)

      a =longueur du foramen incisivum ; b = longueur du diastème ; c = longueur rangée dentaire ;

d = épaisseur de l’incisive

Si K < 79,88 : Mulot sylvestre      Si K > 79,88 : Mulot à collier

 

Mulot sylvestre © Joudrier Patrick

Rédacteurs : Daniel ARIAGNO et Olivier IBORRA, juin 2020