Présentation et description
Le campagnol souterrain (Microtus subterraneus (de Sélys-Longchamps, 1836)) fait partie des campagnols du sous-genre Terricola (correspondant à l’ancienne dénomination Pitymys), comprenant les campagnols « fouisseurs » (à la différence du sous-genre Microtus, les campagnols « de surface »). L’espèce est monotypique.
Tous les campagnols du sous-genre Terricola sont très proches morphologiquement les uns des autres. Ainsi, le campagnol souterrain est très semblable au campagnol provençal (Microtus duodecimcostatus). Morphologiquement, le campagnol souterrain paraît plus uniformément gris brun et une queue encore plus petite.
Les meilleurs critères d’identification passent par l’examen de la denture, même si celle-ci peut présenter des anomalies. Les troisièmes molaires supérieures du campagnol souterrain sont de type complexe et les premières molaires inférieures présentent une boucle antérieure peu ouverte et un rhombe pitymyen incliné. Les variations rencontrées peuvent rendre l’identification délicate, la denture ressemblant alors fortement à celle du campagnol de Fatio (Microtus multiplex) ou du campagnol provençal (Microtus duodecimcostatus). Il est donc nécessaire de bien examiner tous les critères sur toutes les dents.
Le campagnol souterrain est une espèce de rongeur autochtone, qui ne bénéficie d’aucun statut particulier. Il n’est pas considéré comme menacé (catégorie « préoccupation mineure ») à l’échelle européenne, française et régionale.
Ce campagnol ne montre pas de fluctuations d’abondance pluriannuelles, seules des variations d’abondance annuelles sont observées (Quéré & Le Louarn, 2011). Il n’est pas considéré comme un ravageur des cultures
Peu d’éléments sont connus sur l’écologie du campagnol souterrain en Rhône-Alpes. La période de reproduction s’étend de mars à septembre dans les plaines (Quéré & Le Louarn, 2011), probablement plus tardivement en altitude.
Selon le type de culture et la saison, le campagnol souterrain peut être soit particulièrement fouisseur (dans les champs cultivés où il mange les parties souterraines des plantes), soit plus volontiers en surface (après la récolte ou dans les pâturages). Il ne se déplacera à terre qu’au profit d’un couvert herbacé voire arbustif dense (Quéré & Le Louarn, 2011).
Etat des connaissances
Historique
Comme tous les petits mammifères, l’historique du campagnol souterrain est très méconnu. Les premières données en Rhône-Alpes datent de 1967 dans le Pilat. Les données sont fragmentaires car elles proviennent essentiellement de l’analyse de pelotes de réjection.
Distribution actuelle
Le campagnol souterrain est essentiellement présent dans la zone biogéographique de la plaine rhodanienne, et des contreforts du Massif Central. En France, il occupe toute une grande moitié nord du territoire et il existe des populations plus méridionales le long du Massif Central jusqu’au Mont Aigoual (Gard).
Les données actuelles du campagnol souterrain sont essentiellement situées dans le nord-ouest de la région, dans les départements de l’Ain, du Rhône, de la Loire et du nord de l’Ardèche. Les données en rive gauche du Rhône (en Haute-Savoie et surtout dans le sud du Vercors dans la Drôme, voire en Vivarais) sont vraisemblablement erronées et doivent correspondre à des campagnols provençaux (Microtus duodecimcostatus) et/ou ces campagnols de Fatio (Microtus multiplex) aberrants.
Les hiatus dans la répartition pour le département de l’Ain pourraient traduire un manque de prospections plutôt qu’une réelle absence du campagnol souterrain, même si des analyses de pelotes de réjection n’ont pas permis de trouver l’espèce (Ariagno & Bussy, 1971). Elle semblerait rare voire absente des zones à sol argileux ou trop humide (Brunet-Lecomte, com. pers.).
En Isère, une donnée au Péage-de-Roussillon (moyenne vallée du Rhône) issue d’analyse de pelotes de réjection d’effraie pourrait correspondre à un individu prédaté dans le département de la Loire voisin (Brunet-Lecomte & Noblet, 2013).
En Rhône-Alpes, le campagnol souterrain est surtout présent dans les plaines, entre 143 mètres d’altitude au bord du Rhône (Limony, Ardèche) et 712 mètres dans les Monts du Forez (Lavieu, Loire). L’espèce dépasse les 1 000 mètres dans la Cévenne ardéchoise et surtout dans les Crêts du Jura (Ain), jusqu’à 1 650 mètres.
Au vu de l’étendue de sa répartition potentielle et des données à notre disposition, le campagnol souterrain semble commun et non menacé actuellement dans la région.
Menaces et conservation
Le campagnol souterrain n’est pas directement concerné par l’arrêté ministériel du 14 mai 2014 relatif au contrôle des populations de campagnols nuisibles aux cultures ainsi qu’aux conditions d’emploi des produits phytopharmaceutiques contenant de la bromadiolone. Cependant, l’article 1 stipule que « le présent arrêté concerne les espèces de campagnol souterrain (Microtus subterraneus) et de mulot sylvestre (Apodemus sylvaticus) uniquement lorsqu’ils se trouvent en mélange avec l’une ou l’autre des trois espèces précitées ».
S’agissant d’une espèce d’affinités continentales, il est possible que les changements climatiques en cours altèrent ses conditions de vie et son aire de répartition est susceptible de se contracter plus au nord. De ce fait, les populations marginales du Massif Central sont probablement plus menacées que les autres.
Il est nécessaire de mieux connaître la répartition du campagnol souterrain qui n’est que parcellaire. La recherche des pelotes de réjection est une aide précieuse pour détecter cette espèce fouisseuse, mais des campagnes spécifiques de captures devraient apporter des éléments importants.
Des formations sur l’identification des campagnols notamment à partir des restes osseux semblent également indispensables pour augmenter les connaissances sur la répartition (et, en corollaire, sur les régimes alimentaires des rapaces).
Rédacteur : Rémi FONTERS, janvier 2020