Campagnol des champs, Allonzier-la-caille, Haute-Savoie, 2010 © Christophe Gilles

Présentation et description

CC BY-SA 3.0 Campagnol des champs, Wikimédia-libre de droit

Le campagnol des champs est un rongeur de petite taille, brun sur le dessus, blanc à beige clair sur le dessous. Ses oreilles sont petites. Les soles plantaires sont rosâtres. L’adulte pèse entre 16 et 50 g pour une taille de 82 à 122 mm de la base de la queue au bout du museau. La queue est courte, uniformément colorée, et paraît tronquée, représentant en général ¼ de la longueur de son corps. Il n’existe pas de dimorphisme sexuel. La confusion est possible avec le campagnol agreste généralement un peu plus grand et dont la coloration est plus sombre avec une queue plus claire dessous que dessus et qui a des soles plantaires brunes. Les jeunes de ces deux espèces ne peuvent être distingués que par l’étude des caractères dentaires.

En région Rhône-Alpes, l’espèce correspond à la sous-lignée génétique « Ouest »  (Ouest de la France et Espagne) de Microtus arvalis sauf les populations qui occupent les Alpes internes (Maurienne) entre 1400 et 3000 m. Elles s’en distinguent morphologiquement par des yeux plus petits et sont rattachés à une sous-lignée qui occupe le nord-est de la France, la Belgique, l’Allemagne et la Suisse.

En Rhône-Alpes, le campagnol des champs est une espèce autochtone pouvant être qualifiée de très  commune. A titre d’exemple, sur 6551 proies déterminées par G. Allemand à partir de pelotes d’effraie des clochers de la Loire, la proportion de l’espèce représente 48,96 % sur le total des mammifères capturés.

Le campagnol des champs ne bénéficie d’aucun statut de protection en France.

L’espèce est active toute l’année et son cycle de reproduction se situe entre mars et octobre. La femelle peut mettre bas jusqu’à six fois dans l’année 2-11 petits avec une moyenne de 5 jeunes. La gestation est de 21 jours. Les jeunes naissent aveugles, ouvrent les yeux vers 7 jours et sont sevrés à 12 jours. Ils s’émancipent à l’âge de trois semaines. La femelle est mature sexuellement dès l’âge de deux semaines environ alors que le mâle doit attendre un mois. La longévité est estimée à quelques mois seulement. Sur les hauteurs du Mont-Blanc, les individus ne produisent qu’une à deux portées par an et peuvent vivre une année entière.

D’une manière générale, les densités sont très fluctuantes : de la quasi-extinction à 200 individus à l’hectare en fin d’hiver à plus de 1000 individus à l’hectare selon les années et les régions. Le mode de reproduction rapide de l’espèce lui confère la capacité à se multiplier dans les milieux où la végétation est favorable. Néanmoins, cette pullulation semble cyclique (tous les 4 ans environs) et déterminée par des facteurs climatiques, pratiques culturales, mouvement de dispersion et démographie des populations. Elle ne touche que peu la région Rhône-Alpes mais se situe plutôt sur un axe sud-ouest/nord entre Poitou-Charente et le Nord-Pas-De-Calais.

 

Etat des connaissances

Historique

L’espèce est présente en Europe (vallée du Rhône) au moins depuis le milieu du Pléistocène.

La plus ancienne donnée régionale enregistrée date d’août 1934 à l’Alpe d’Huez.

Carte de l'état des connaissances sur le campagnol des champs

Distribution actuelle

Le campagnol des champs à une vaste répartition géographique sur toute l’Europe, de l’Ouest (sauf Grande-Bretagne) jusqu’à l’Altaï. Les populations situées entre l’Oural et l’Altaï posent un problème d’identification : Microtus arvalis ou Microtus obscurus. Les travaux en cours montrent qu’il s’agit probablement de deux espèces distinctes.

En France, c’est probablement  l’espèce de mammifère la plus abondante.

En Rhône-Alpes, il est très rare ou absent dans le sud de la région et présent ailleurs jusque 2000 mètres d’altitude et au-delà. 205 mailles ont fourni des données entre 2005 et 2018 représentant ainsi 38,5 % des mailles de la zone concernée. Le campagnol des champs est noté sur l’ensemble des départements de la région avec de fortes différences de présence d’un département à l’autre. Ainsi, sur trois d’entre eux (Ardèche, Drôme et Savoie), sa répartition est  faible et parcellaire. D’une manière générale, on observe une diminution de la présence du nord au sud de la région. C’est une espèce plutôt commune voire très commune en Rhône-Alpes.

L’espèce vit préférentiellement dans les terrains en jachère sur sol profonds, prairies pâturées et dans les zones cultivées mais aussi les landes et les bois clairs. Elle évite les zones humides et les hautes herbes. C’est la principale espèce qui colonise les pelouses et plates-bandes des milieux péri-urbains et autoroutes. De plus, après la musaraigne musette, c’est l’espèce qui colonise le plus rapidement les terrains poldérisés, défrichés et les remblais. Elle ne vit pas sur les sols nus (zones labourées d’agriculture intensive, le labour pouvant en effet tuer jusqu’à 90% de la population).

Le travail du présent atlas a permis de compléter les connaissances sur l’espèce. Les principales données collectées le sont par le biais des pelotes de réjection de rapaces nocturne et en particulier l’effraie des clochers. Pour six départements sur huit, les données sont récentes (2005-2018) alors que sur deux d’entre eux (Loire et Isère), la répartition de l’espèce était connue antérieurement. La carte de progression temporelle fait apparaitre des différences significatives avant ou après 2005, avec notamment une présence plus affirmée dans le Rhône, l’Ain et la Haute-Savoie, mais ceci reflète une augmentation de la pression d’observation et notamment de l’analyse des pelotes de réjection.

En région Rhône-Alpes, le campagnol des champs doit être plus présent dans tous les milieux ouverts et la carte de répartition reflète plutôt la somme des connaissances actuelle que l’écologie réelle de l’espèce.

Les cartes montrent que l’espèce semble faiblement représentée en zone méditerranéenne (sud de l’Ardèche et de la Drôme). Cette absence est peut-être liée avec la sécheresse du climat et le manque de profondeur du sol. Le nombre de données est faible également en Savoie sans que l’on sache si cette quasi absence est réelle ou bien due à une prospection plus faible qu’ailleurs.

Le campagnol des champs est présent et actif toute l’année. Il sort de ses galeries surtout à l’aube et au crépuscule. Son domaine vital est paradoxalement plus petit en hiver qu’en été (rapport de 1 à 10). Son espérance de vie est de quelques mois, plus sur les hautes montagnes où son rythme de reproduction est plus faible.

L’espèce est surtout représentée dans les zones de basses et moyennes altitudes (entre 200 et 600 m) mais s’élève toutefois jusqu’à 2000 m, voire localement jusqu’à 2456 m (maximum régional : Beaufort, Savoie en 2010).

L’analyse des modes d’acquisition des connaissances fait clairement apparaitre l’apport décisif de l’analyse des pelotes dans la collecte des données pour les micro-mammifères. En effet, 97,5% des données de campagnol des champs sont collectées de cette manière en Rhône-Alpes, les autres modes de contrôle ne fournissant qu’une part infime des données. Il en résulte une petite imprécision quant à la localisation précise des données recueillies. Cette imprécision dépend du rayon d’action des prédateurs, faible pour des effraies ou des chevêches, plus grande pour le grand-duc ou le milan royal.

 

Campagnol des champs, Allonzier-la-caille, Haute-Savoie, 2010 © Christophe Gilles

Menaces et conservation

CC BY-SA 3.0 Campagnol des champs, Wikimédia-libre de droit

Le campagnol des champs ne semble pas menacé directement et, compte-tenu de son mode de reproduction rapide, l’espèce se porte plutôt bien. Néanmoins, les campagnols provoquant des dégâts conséquents sur les cultures en creusant de nombreuses galeries, la lutte chimique contre le campagnol est pratiquée et efficace sur les populations. Malheureusement cette lutte chimique a un impact considérable sur le reste de la faune, notamment sur l’ensemble de la chaîne alimentaire dont fait partie le campagnol des champs ! Les effets de ces campagnes sont à surveiller sur le milan royal, mais aussi le renard et plus généralement sur tous les prédateurs de ces campagnols.

Il est important de conserver les talus dans les bocages. Un des arguments pour la destruction de ces talus était qu’ils assuraient l’asile au campagnol des champs en hiver. A contrario, l’un des arguments en faveur du maintien de ces talus est qu’ils assurent également la présence des prédateurs du campagnol en toutes saisons. Il a été mis en évidence que le campagnol des champs a des populations plus stables et plus faibles dans les secteurs bocagers que dans les plaines ouvertes. La mise en place de perchoirs à rapaces ainsi que la protection des rapaces en général favorise la prédation sur ce campagnol. Enfin, la protection des prédateurs naturel du campagnol (belette, hermine, fouine, renard, rapaces et en particulier l’effraie des clochers et le moyen-duc) fait partie des mesures importantes à mettre en place.

Le campagnol des champs, comme toutes les espèces de micro-mammifères, mériterait un travail approfondi pour compléter les connaissances déjà acquises. Il serait par exemple intéressant de réaliser des campagnes de captures sur les secteurs où nous ne trouvons pas de pelotes, pour compléter son aire de répartition. Les connaissances départementales sont souvent liées également au travail bénévole des groupes micro-mammifères locaux. Ces groupes n’ont pas le même dynamisme  d’un département à l’autre et une mise en commun des compétences serait souhaitable.

Rédacteurs : Patrick BALLUET et Guillaume ALLEMAND, octobre 2019