Présentation et description
La taupe est un mammifère fouisseur au pelage ras, dense, velouté et noir. Les poils sont implantés perpendiculairement à la peau ce qui permet de circuler en avant et en arrière dans les galeries. Son corps a une forme cylindrique avec une tête massive et un cou très réduit. Les griffes sont puissantes, les mains transformées en pelles. Les yeux sont très petits (1 mm de diamètre) cachés dans le pelage, mais fonctionnels. La queue est courte et tenue dressée. Le museau est rose et glabre. Les pattes sont de couleur chair. La taupe possède des poumons très développés et une grande quantité de sang très riche en hémoglobine, lui permettant de vivre en milieu souterrain pauvre en oxygène. Mensurations : tête + corps = 110-160 mm. Longueur de la queue = 20 à 40 mm. Poids = 65-130 g. (Mc Donald & Barret, 1995 ; Lemarchand et al., 2015).
En Rhône-Alpes, seule la taupe d’Europe est présente. Une mention ancienne cite la taupe aveugle T. caeca dans le Trièves en Isère (in Fayard, 1984). L’obtention de trois spécimens de petites tailles de Vercors, Chartreuse et Trièves a permis de faire une analyse ADN qui a montré qu’il s’agissait de T. europaea dans les trois cas. Actuellement, il n’existe aucune preuve de la présence de T. caeca en Isère (Brunet-Lecomte & Noblet, 2013), ni en Rhône-Alpes. Il s’agit d’une espèce autochtone.
La taupe est active de jour comme de nuit, avec des cycles d’activité de 4,5 heures entrecoupées de 3,5 heures de repos au nid.
L’espèce est active toute l’année, les mâles étant plus actifs lors de la recherche des partenaires sexuels et les femelles plus actives en période d’allaitement. La période de reproduction s’étend d’avril à juin, la gestation dure environ un mois. Une portée annuelle donne naissance à 2 à 7 petits, qui sont nus et aveugles à la naissance. Seule la femelle s’en occupe.
La longévité maximale est de 7 ans avec une forte mortalité des jeunes lors de leurs dispersions, par prédation, famine, inondation et destructions par l’homme. (Grillo, 1997 ; Mc Donald & Barret, op.cit.)
La taupe fréquente les forêts de feuillus, les champs, les prairies permanentes et les parcs. Elle évite les sols pierreux, sablonneux, très humides et acides (pH inférieur à 4,4) car les vers de terre y sont absents. Les galeries s’enfoncent jusqu’à 50-100 cm voire plus, reliant une ou plusieurs chambres garnies de mousse, feuilles, herbes disposées en boule, de la taille d’un ballon de football.
Le régime alimentaire est essentiellement constitué de vers de terre, pouvant représenter jusqu’à 95% de son alimentation (Atkinson, 2013). De nombreux autres invertébrés peuvent également être consommés : larves de coléoptères, des myriapodes, des limaces et des chenilles souterraines (Gilliéron & Morel, 2018).
Le domaine vital est de 200 à 2000 m² selon les ressources alimentaires disponibles. Les densités observées sont de 8 individus par ha en hiver et, en été, de 16 par ha. Les territoires peuvent se chevaucher quelque peu.
A noter que les organes d’Eimer (museau) perçoivent le contact, les changements d’hygrométrie et de température. (Mc Donald & Barret, op.cit.).
Passant l’essentiel de sa vie sous terre, l’observation directe est rare. La présence de taupinière est un bon indice de sa présence, avec des taupinières plus grosses et plus isolées que celles du campagnol terrestre (Gilliéron & Morel, op. cit.).
Etat des connaissances
Historique
Si la présence de la taupe d’Europe, en France, remonte au Pliocène, les restes paléontologiques semblent permettre la distinction de deux espèces (T. europaea et T. caeca). Les formes actuelles appartiennent à la sous-espèce T. europaea cinerea (SEFPM, 1984).
En Rhône-Alpes, les données les plus anciennes de la base de données régionales, remontent à 1963. Il s’agit de restes issus de pelotes de réjection sur les communes de Bussy-Albieux et Saint-Appolinard dans le département de la Loire.
Distribution actuelle
L’aire de distribution de la taupe d’Europe comprend l’Europe, la Sibérie et l’Asie centrale (McDonald & Barret, op. cit.). En Europe, l’aire de distribution de l’espèce s’étend du nord de l’Espagne et de l’Italie jusqu’au sud des pays scandinaves couvrant l’ensemble de la France (excepté la Corse), la Belgique, les Pays-Bas, les pays d’Europe Centrale et les Balkans (GEPMA, 2020).
En Rhône-Alpes, la taupe est largement répartie. Elle est présente dans les 8 départements. Elle parait un peu moins présente dans le sud du département de la Drôme (Baronnies, Diois) et l’Ardèche méridionale, raréfaction qui pourrait être expliquée par la nature des terrains trop rocailleux empêchant son activité fouisseuse (Grillo, op. cit.).
L’essentiel des données (plus de 90%) est produit depuis 2005 au niveau régional.
Sur les 2645 données que compte la base de données régionale, 863 concernent l’observation de tumuli, 406 d’animaux morts ou prédatés et 58 issues d’analyse de pelotes de réjection. Ce dernier taux relativement faible s’explique par les mœurs essentiellement souterraines de la taupe. Il s’agit de pelotes d’effraie des clochers, de chouette hulotte, de hibou moyen-duc, de grand-duc d’Europe, de chevêche d’Athéna et de milan royal.
Par ailleurs, les prédateurs mentionnés sont le chat domestique, le héron pourpré, la buse variable, la chevêche d’Athéna, le renard roux et la corneille noire.
Si de nombreux cas d’écrasements sur les voies de circulation sont mentionnés comme également des cas de noyade dans des piscines, très souvent les cadavres sont retrouvés indemnes et les causes de mortalité sont inconnues.
Dans la région, les observations s’échelonnent de 61 mètres d’altitude (La Garde-Adhémar – 26) à près de 2200 mètres. Ariagno (1976) mentionne un manque de connaissance en termes de limites altitudinales. Dans le cadre de la production du présent atlas, l’effort de prospection et la compilation des données (notamment du Parc National des Ecrins) ont permis d’améliorer la connaissance en termes d’altitude maximale. Dix mentions dépassent les 2000 mètres d’altitude : en Savoie sur les communes de Pralognan-la-Vanoise, de Val-d’Isère, d’Aime-la-Plagne (anciennement Granier) et en Isère sur les communes de Chantelouve, de Ornon, de Clavans-en-Haut-Oisans, de Chantelouve, de La Morte et Besse (record régional avec 2180 mètres).
Les observations sont réparties de manière assez homogène au cours de l’année, avec une baisse sensible au cours des mois d’août à novembre.
Selon les données actuellement disponibles, la taupe semble bien répartie à l’échelle de la région et peut être considérée comme commune.
Menaces et conservation
L’espèce ne parait pas menacée, du moins à court terme. Pour autant, elle subit l’intensification des pratiques agricoles mais également la destruction spécifique lorsqu’elle est considérée indésirable (parcs, jardins, golfs…). Elle est alors tuée par divers moyens (piégeage, gazage). Pourtant, la taupe contribue au bon fonctionnement du sol, en permettant une aération, une circulation de l’eau et en brassant les couches superficielles de terre. Une campagne pédagogique auprès du grand public pourrait permettre de limiter ces atteintes. De plus, comme nombre d’espèces, elle bénéficie de la mise en place d’une agriculture respectueuse du vivant, agriculture à soutenir !
TAUPINIERE VS TUMULI DE CAMPAGNOL TERRESTRE (D. ARIAGNO, 2020)
Il est possible avec un peu d’expérience de savoir si une « taupinière » a été faite par la taupe d’Europe ou par le campagnol terrestre.
Pour la taupe :
1) monticules en forme de dôme arrondis, composés de terre fine, montrant souvent (mais pas toujours) des boudins de terre agglomérée, résultats de la compression exercée pour expulser la terre hors de la galerie. La taupe creuse avec les pattes antérieures.
2) le départ de la galerie est en position centrale.
3) les taupinières sont généralement alignées, parfois sur de longues distances (attention toutefois aux alignements qui se recoupent !)
Pour le campagnol terrestre :
1) tumuli de taille plus faible, plutôt aplatis et irréguliers, pouvant être jointifs. La terre serait plus grossière et contenant de petits débris végétaux. Le campagnol terrestre creuse avec ses dents et repousse la terre avec les pattes postérieures.
2) le départ de la galerie est latéral et incliné.
3) les « taupinières » ne sont pas alignées, mais distribuées au hasard.
Rédacteur : Benoit FEUVRIER, janvier 2020