Présentation et description
Mammifère de l’ordre des Insectivores soricomorphes, appartenant à la famille des Crocidurinés et au genre Crocidura (musaraignes à dents blanches), la crocidure leucode est aussi appelée musaraigne bicolore ou crocidure bicolore.
Son pelage, lorsqu’il est typique, est brun foncé sur le dos et clair sur le ventre avec une ligne de démarcation assez nette, ce qui la rend aisément identifiable. Mais il y a des exceptions. Comme toutes les crocidures, elle a de longs poils de jarre sur la queue qui est bicolore elle aussi. Comme la plupart des musaraignes européennes, son poids n’excède pas 10 à 15 grammes. Elle a la taille de sa cousine, la musaraigne musette.
Sa biologie reste mal connue mais elle est supposée très proche de la musaraigne musette. Comme celle-ci, elle peut tomber en torpeur estivale en ralentissant son métabolisme pour économiser ses ressources et les jeunes suivent leur mère en formant des « caravanes », chacun s’accrochant par la gueule au pelage du précédent. La crocidure leucode peut avoir plusieurs portées annuelles s’étalant du printemps à l’automne (LUGON-MOULIN, 2003). Selon LUGON-MOULIN, elle fréquenterait les mêmes types de milieux que la musaraigne musette, mais supporte mieux le couvert végétal. Comme les autres musaraignes, son régime alimentaire se compose majoritairement d’invertébrés. Selon KUVIKOVA (cité par LUGON-MOULIN), elle aurait une préférence pour les larves de diptères bibionidés, mais consomme d’autres invertébrés allant des coléoptères aux gastéropodes.
Etat des connaissances
La distribution de la crocidure leucode est plutôt centre-européenne et asiatique. Considérée comme plutôt rare, elle est peu rencontrée dans les pelotes de réjection : 0,17% sur 11000 proies dans le département du Rhône, moins encore pour le département de la Loire (ARIAGNO et al., 1981) et 0,1% sur 16300 proies dans le département de l’Indre (INDELICATO, 2002).
Sa limite de distribution méridionale et occidentale peut se matérialiser par une diagonale allant de la Provence à la Bretagne, via le sud du département de l’Indre (INDELICATO, 2002). Elle passe par le département du Rhône (ARIAGNO et al, 1981, GRILLO, 1997).
La plus ancienne donnée concernant l’espèce daterait de 1977 (pelotes de réjection) sur la commune de Notre-Dame-des-Millières, département de la Savoie (GRILLO, 1997).
Parmi les données antérieures à 2005, signalons que la crocidure leucode a été trouvée dans le département de l’Ain jusqu’en Dombes (3 crânes sur 7000 proies, FAYARD et al., 1979 ; AULAGNIER et al., 1980), ainsi que dans les départements de la Loire (10 crânes identifiés sur 1300 proies dans la plaine du Forez, GRILLO, 1997). Pour le département de l’Isère, elle restait rare (NOBLET 1984), tandis que le département de la Savoie fournissait une seule donnée en 1977 (GRILLO, 1997). Le même auteur, n’indiquait aucune mention de l’espèce pour les départements de la Haute-Savoie, de l’Ardèche et de la Drôme… Pour le département du Rhône, des captures occasionnelles ou des cadavres ont montré sa présence dans une douzaine de localités (FAUGIER, 2011), le plus souvent à une altitude supérieure à 500 m, bien qu’elle ait été aussi observée à basse altitude. Elle a ainsi été notée dans des milieux variés comme des bords de ruisseau boisés, des boisements mixtes en versant nord (altitude 700 m), ou des landes de crêtes (altitude 800m) à faible recouvrement arboré. Il semble qu’à basse altitude la crocidure leucode soit confrontée à la concurrence de la musaraigne musette, comme l’a clairement montré INDELICATO, en 2002 dans le département de l’Indre ou LUGON-MOULIN en Suisse.
Depuis 2005, sur le territoire Rhône-Alpin, la crocidure leucode n’est toujours citée que dans cinq départements pour un total de 17 données seulement : 5 pour le département de l’Ain, 1 seule pour le département de la Loire, 4 pour celui de l’Isère, 6 pour celui du Rhône et une seule pour la Savoie.
Elle n’est pas connue dans les quatre départements auvergnats (GMA, 2015) et semble toujours absente des départements de l’Ardèche, de la Drôme et de la Haute-Savoie. L’absence de l’espèce dans les départements les plus méridionaux de la région confirme que la limite de distribution européenne de l’espèce passe par l’ex région Rhône-Alpes. Comme avant 2005, l’absence de données pour le département de la Haute-Savoie résulte probablement d’un manque de prospection
Les altitudes de présence connue en Rhône-Alpes vont de 174 mètres en vallée du Rhône (commune d’Ampuis) à 1362 mètres à Mizoën en Isère. La moyenne des altitudes pour les données obtenues depuis 2005 est de 499 mètres.
Menaces et conservation
Comme les autres musaraignes, la crocidure leucode peut avoir à pâtir du manque d’eau et de la hausse des températures estivales liés au changement climatique. Elle doit aussi, comme les autres musaraignes, supporter la prédation des rapaces nocturnes, carnivores ou reptiles.
Mais la plus grande menace pourrait provenir de la musaraigne musette qui tend à la refouler. Cette concurrence a été clairement démontrée en Suisse et en Allemagne (LUGON-MOULIN, 2003).
Comme pour beaucoup de petits mammifères, et les musaraignes en particulier, nous sommes face à un important déficit d’informations sur la crocidure leucode. Des recherches systématiques seraient à entreprendre d’urgence sur ce taxon, notamment dans les départements de Haute-Savoie, de la Savoie et de l’Ain, situés sur la limite de distribution européenne de l’espèce.
Rédacteurs: Daniel Ariagno et Julien Bouniol, aout 2019