Présentation et description
Décrit par Linné en 1758, le putois d’Europe (Mustela putorius) est un petit carnivore de la famille des Mustélidés. Il tire son nom du vieux français « put » signifiant « puant ». Ce terme est d’ailleurs encore parfois utilisé tant dans les milieux ruraux que cynégétiques pour désigner l’ensemble des Mustélidés. Le putois possède en effet des glandes anales qui lui permettent de marquer son territoire et de secréter une odeur nauséabonde en cas de danger (AULAGNIER et al. 2008, HAINARD 1986).
Son allure est typique des animaux du genre Mustela: un corps et une queue allongés, des pattes paraissant courtes, une tête ovoïde. Comme les visons, son pelage est majoritairement (corps et queue) brun chocolat. Toutefois, le sous-poil (poils de bourre) est nettement plus clair, habituellement jaunâtre, ce qui est particulièrement visible sur les flancs des deux sexes en pelage ‘classique’. La tête est plus claire (presque blanche chez le mâle) avec un masque noir depuis la base de la truffe jusqu’aux joues et englobant le pourtour des yeux. Le museau et les lèvres sont toujours de couleur blanche, comme le haut des oreilles Il existe des variations de couleurs et certains individus peuvent sembler plus foncés que d’autres, tout comme le masque facial qui peut être plus ou moins marqué. Ces variations de teinte font que la taille (37 à 61 cm de long, queue comprise) et surtout le poids (de 400 à 800 g chez les femelles mais pouvant atteindre 1500 g chez les mâles) constituent le meilleur critère de distinction des sexes. Les furets, autrefois souvent albinos et maintenant généralement d’un pelage panaché plus proche de l’espèce sauvage (ce pelage est d’ailleurs appelé ‘putoisé’), fréquemment détenus comme Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) seraient une forme domestiquée du putois d’Europe mais l’hypothèse d’une origine depuis le putois d’Eversman (putois des steppes Mustela eversmanni) n’est pas totalement écartée (PASCAL et al. 2006).
Plus de 22 sous-espèces du putois d’Europe ont été décrites mais cette liste demande à être révisée (LARIVIERE & JENNINGS in WILSON et WITTERMAIER 2009). Il semblerait que seule la sous-espèce type M. p. putorius est présente dans notre pays (SAINT-GIRONS 1973).
Le putois est tout à fait indigène en Rhône-Alpes où l’ancienneté de sa présence est inconnue. Longtemps considérée comme nuisible, l’espèce n’a plus ce statut dans aucun département de Rhône-Alpes. Elle figure toutefois au rang des espèces pouvant être chassées, sauf en Haute-Savoie (RIGAUX 2017).
Les mœurs essentiellement nocturnes et les faibles populations de ce mammifère font qu’on ignore à peu près tout de sa biologie régionale.
Ainsi, le calendrier de reproduction est très peu connu avec seulement quelques groupes familiaux signalés en été (un adulte et 2 jeunes le 19 juillet 2018 à Ceyzériat dans l’Ain, deux jeunes à Maclas-Loire- le 25 juillet 2018, 4 individu à Saint-Baudille-de-la-Tour-Isère- le 21 août 1986) et en automne (3 individus le 14 décembre 1979 à Valeille-Loire).
Le putois était autrefois très lié (comme bon nombre d’autres prédateurs) à la ressource alimentaire que constituait le lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus) alors abondant presque partout en plaine ou, plus localement, à d’autres mammifères de taille moyenne comme le rat musqué (Ondatra zibethicus) en Dombes. La raréfaction de ces proies a probablement contribué à celle du putois. De nos jours, toujours en Dombes, de jeunes ragondins (Myocastor coypus) constituent très occasionnellement des proies pour l’espèce. Toutefois, celle-ci présente régionalement une alimentation opportuniste. La capture de crapauds communs/épineux (Bufo sp) lors des déplacements printaniers vers les sites de ponte est la plus fréquemment citée dans notre région (01, 69 et 74). Suivent d’autres amphibiens, indéterminés pour la plupart (38 et 74), dont au moins un cas (01) sur la Grenouille rousse (Rana temporaria). Deux cas de reptiles indéterminés ont été rapportés (01 et 74). Les poissons sont également assez fréquemment (01, 38 et 42) des proies du putois. Dans la basse-vallée de l’Ain (01), cette ressource est surtout exploitée lors du retrait des eaux emprisonnant les poissons dans des flaques peu profondes soit après une crue ‘naturelle’ de la rivière soit, plus souvent, lors des marnages dus à des lâchers de barrages en amont. D’autres proies sont plus occasionnelles: une écrevisse indéterminée dans la Loire, des volailles en Isère. Dans toute la région, de nombreux poils de mammifères indéterminés ont été trouvés dans des crottes mais les seuls représentants de cette famille identifiés depuis 2000 sont des surmulots (Rattus norvegicus) en Isère.
Etat des connaissances
En dehors de toutes petites populations en Afrique du Nord (Maroc et Algérie- GIPOLITI 2011), le putois n’est presque présent qu’en Europe car sa répartition qui s’étend depuis la péninsule Ibérique jusqu’à l’Oural déborde faiblement sur l’Asie au nord-ouest d’Ankara en Turquie. Il est absent de Grèce, des îles méditerranéennes, d’Irlande et d’Islande. La péninsule Scandinave n’est occupée que dans le sud de la Suède.
En France, le putois était naguère présent sur l’ensemble du territoire sauf sur les îles méditerranéennes. Toutefois, sa répartition était relativement homogène sur une grande moitié nord du pays (schématiquement au nord de la Loire). Plus au sud, des lacunes étaient notées depuis l’Aquitaine jusqu’au Massif central. Dans le sud-est, seuls les départements situés le long du sillon rhodanien étaient bien peuplés (SFEPM 1984). Bien plus abondant en plaine que sur le relief, l’espèce atteignait toutefois l’altitude de 2000 m environ dans les Alpes françaises (SAINT-GIRONS, op.cit.).
Dans le cadre du présent atlas, le putois a été observé dans les huit départements de la région mais il est très inégalement réparti. L’un des principaux facteurs limitant la répartition de l’espèce est l’altitude. En effet, l’altitude moyenne des données régionales se situe aux environs de 400 m et les mentions au-delà de 1000 m constituent presque des exceptions même si les cotes maximales atteintes dépassent assez souvent celles-ci. Ainsi, le putois a été contacté à 1226 m à Chamfromier dans l’Ain, à 1222 m à Usclades et Rieutord en Ardèche, à 1295 m à Omblèze dans la Drôme, à 741 m à Saint-Martin-de-la-Cluze en Isère, à 1415 m à Sauvain dans la Loire, à 699 m à Pomeys dans le Rhône, à 407 m à Verel-de-Montbel en Savoie et à 1015 m à Bogève en Haute-Savoie.
Une mention échappe à cette règle: un individu vu à 1650 m d’altitude à Saint-Christophe-en-Oisans (38) le 16 juin 1994. Toutes les autres cotes atteintes par l’espèce en Rhône-Alpes s’accordent bien avec l’opinion de KAYSER (2016) qui estime que l’altitude maximale atteinte en France se situe désormais aux environs de 1500 m.
Si on croise cette préférence pour les milieux de basse altitude avec la prédilection de l’espèce pour des milieux humides (régions d’étangs, ripisylves des cours d’eau, marais même de faible étendue, la présente carte de répartition se révèle assez facile à analyser.
Le département de la Loire semble le plus uniformément occupé et fournit d’ailleurs le plus grand nombre de données (140). Le putois est présent dans presque toutes les régions de plaine, ne connaissant qu’une absence à l’est de Balbigny et Saint-Symphorien-de-Lay, peut-être due à une lacune de prospection. L’espèce pénètre même assez profondément sur le relief dans les Monts de la Madeleine et ceux du Forez comme sur le Pilat. A l’inverse, les Monts du Lyonnais lui sont peu favorables.
Avec 120 données, l’Ain est le deuxième département où ce Mustélidé est le plus mentionné. Une population présentant une répartition assez homogène couvre le sud-est de la Bresse, la Dombes des étangs et la basse-vallée de l’Ain et ses affluents. Les zones de marais du piémont bugiste ainsi que le Pays de Gex sont bien peuplés
Dans le Rhône (61 mentions), l’espèce est assez fréquente au sud d’une ligne Amplepuis-Villefranche, agglomération lyonnaise exclue. Le reste du département est à peu près déserté par le putois.
Les départements savoyards sont principalement peuplés dans l’avant-pays mais avec de fortes disparités puisque la Savoie ne totalise que 12 mentions contre 65 en Haute-Savoie (principalement dans le bassin annécien, le Genevois, la région annemassienne, l’Albanais, et le bas Chablais).
En Isère, preque seule la moitié septentrionale, la moins montagneuse, du département est occupée par le putois mais l’espèce semble décliner dans l’Ile Crémieu. Curieusement, la vallée du Grésivaudan n’est occupée que très partiellement avec un net hiatus entre les populations de Savoie et celles de l’Isère.
En Ardèche (23 données) comme dans la Drôme (11 données, le plus faible total rhônalpin), le putois semble se raréfier au fil du temps et il a disparu de la basse vallée du Rhône, du Tricastin, du Haut-Diois et des Baronnies depuis le précédent atlas (FRAPNA 1997).
L’altitude a déjà été évoquée pour expliquer la répartition régionale du putois. D’autres facteurs doivent être pris en compte: les milieux et l’accès aux ressources alimentaires, ce dernier ayant été évoqué précédemment. Les biotopes occupés par l’espèce en Rhône-Alpes ne sont pas différents de la situation nationale. L’espèce apprécie les milieux humides et on l’observe principalement aux abords, souvent boisés, des cours d’eau, des lacs et étangs comme dans des dépressions marécageuses de faible taille. Des zones plus sèches sont plus occasionnellement occupées. Dans ce cas, la présence de milieux bocagers ou faiblement ouverts est préférable. Les zones très ouvertes ou de grandes cultures sont presque toujours délaissées. Bien qu’il ne soit pas et de loin autant lié que la fouine (Martes foina) aux milieux urbains et péri urbains, le putois se rapproche parfois des bâtiments.
Menaces et conservation
Lorsque ses biotopes de prédilection étaient bien représentés et ses ressources alimentaires abondantes, le putois était de toute évidence une espèce assez fréquente bien que discrète. La raréfaction des deux facteurs a entraîné celle de l’espèce. La comparaison de la carte de répartition du précédent atlas régional (FRAPNA, op.cit.) et de celle présentée ici montre que l’espèce a disparu de plusieurs zones de l’Ardèche et surtout de la Drôme. Presque partout, les observateurs s’accordent à la trouver beaucoup moins nombreuse qu’autrefois. Les pouvoirs publics n’ont pas tenu compte suffisamment tôt de ce déclin et l’espèce a longtemps été considérée comme nuisible et donc piégée. Ce déclin a valu à l’espèce d’être classée ‘en grave danger’ dans la liste rouge régionale (DE THIERSANT & DELIRY 2008) et ‘quasi menacée’ dans la liste rouge nationale (UICN & MNHN 2017). A l’échelle mondiale, cette espèce est bien considérée comme en diminution mais son état ne suscite actuellement qu’ une ‘préoccupation mineure'(UICN).
De plus, dans notre région, les putois sont fréquemment victimes du trafic routier: les données d’écrasement étant au nombre de 234 sur les 507 recueillies dans le cadre de cet atlas ! Là où cela est possible, la mise en place de passages inférieurs et l’aménagement d’ouvrages existants, d’abord sous les sites d’écrasement les plus fréquents, puis d’une manière plus généralisée, serait probablement favorable aux Mustélidés et plus largement à la faune de taille moyenne.
Il paraît donc impératif que le statut légal du Putois soit rapidement transformé et que sa protection totale soit instaurée. Il n’est pas admissible que des prélèvements s’exercent sur cette espèce déjà mal en point.
Bertrand TRANCHAND et Alain BERNARD, novembre 2018