Tamia de sibérie, source Wikimédia

Présentation et description

Tamia de Sibérie, Grenoble © Remi FONTERS

Richement coloré, le tamia de Sibérie présente un pelage brun-gris à ocre sur le dos, la nuque et l’arrière train. Cinq bandes noires longitudinales ou marron-foncé descendent de la nuque jusqu’à celui-ci, et le gris des flancs devient plus pâle pour donner au ventre une couleur plus claire. Sur la face, quatre bandes alternées, claires et rouilles, font ressortir l’œil. Il possède des abajoues très développées leur permettant, en phase de nourrissage, de stocker des items alimentaires (glands, fruits du charme…) avant de les consommer ou de les transporter dans son terrier. La queue est grise avec une raie noire centrale et deux latérales. La mue annuelle a lieu au printemps-été. Il y a absence de dimorphisme sexuel. De même, les juvéniles sont identiques aux adultes, seule la taille diffère. La morphologie adulte de T.s. barberi, sous-espèce introduite en France, en provenance de la Péninsule coréenne (Chapuis 2005 ; Pisanu et al., 2013) est la suivante : poids : 80-127 g ; longueur tête-corps : 137-163 mm ; hauteur du pavillon de l’oreille 14-19 mm ; longueur de queue : 84-125 mm ; longueur du pied postérieur : 31-41mm ; longueur de l’oreille : 14-19 mm ; formule dentaire : i 1/1, c 0/0, p 2/1, m 3/3, total 22 (Chapuis et al., 2012). Ecureuil diurne, il est actif du lever au coucher du soleil, plus particulièrement en milieu de matinée. Ce petit rongeur est principalement terrestre, tout en fréquentant également la canopée des arbres. Il hiberne seul dans son terrier durant 5 à 6 mois (4 à 5 mois en France), interrompant régulièrement son sommeil hivernal pour absorber de la nourriture stockée à l’automne. Les femelles adultes entrent en hibernation les premières, suivies par les mâles adultes, les jeunes femelles puis les jeunes mâles. Au printemps, la sortie des mâles à environ lieu 3 semaines avant celle des femelles (Kawamichi, 1996 ; Marmet, 2008 ; Chapuis et al., 2012).

En France, les modalités de la reproduction sont les suivantes (Chapuis et al., 2012) :

  • accouplements de fin février à la mi-août, avec deux pics, l’un en mars (1ère portée), et le second en mi-juin (2nde portée) ;
  • durée de la gestation : 31 jours en moyenne ;
  • nombre de jeunes/portée : 3 à 5 (1 à 8) (huit mamelles) jeunes nus, sourds et aveugles à la naissance ;
  • durée d’élevage des jeunes dans le terrier de naissance : 6 à 8 semaines ;
  • nombre de portées par an : 1 ou 2 selon l’âge des femelles et leur condition physique (1 dans les régions froides de son aire de répartition) ;
  • sexe-ratio au sevrage : 1/1.
  • maturité sexuelle : entre 8 et 11 mois pour les deux sexes ;
  • la longévité : 5 à 6 ans maximum en nature (jusqu’à 12 ans en captivité d’après Gismondi, 1991).

En Ile-de-France, l’émergence des jeunes de la première cohorte a lieu en mai-juin et de ceux de la seconde cohorte, en août-septembre. Le domaine vital des adultes est environ 2,5 fois plus grand chez le mâle (1,3 à 2 ha) que chez la femelle, (0,5 à 1 ha) (Marmet et al., 2009). La dispersion des jeunes se produit 2 à 3 semaines après leur sortie du terrier. Les distances d’installation varient entre quelques dizaines et quelques centaines de mètres selon le sexe des individus, la densité, les caractéristiques du milieu (ressources alimentaires, abris…) (Marmet et al., 2011). Les adultes montrent une grande fidélité au site d’une année sur l’autre. En Forêt de Sénart, où le tamia a été introduit à la fin des années 1960, la vitesse de colonisation, entre 1970 et 2000 (population de plus de 10 000 individus), a été estimée à environ 250 m/an (Chapuis, 2005).

Son aire de répartition originelle couvre la Sibérie, l’île d’Hokkaido (Japon) (sous-espèce T.s. sibiricus), la Chine, la Mandchourie (T.s. senescens), la péninsule coréenne, (T.s. barberi) (Chapuis et al., 2009 ; Lissovsky et al., 2017). L’espèce est ainsi répartie sous des climats très différents, soulignant sa grande adaptabilité et son potentiel d’installation dans une large gamme de milieux.

L’espèce a été introduite en Europe dès les années 1960, à partir d’individus échappés d’animaleries, introduits volontairement en tant qu’animal d’ornement, ou relâchés par des particuliers lassés de leurs animaux de compagnie (Chapuis, 2005).

Parmi les 11 espèces de mammifères considérées en 2014 comme espèces exotiques envahissantes (EEE), (réglementation d’exécution 1143/2014) et soumises à réglementation, quatre sont des sciuridés, dont le tamia de Sibérie. Il s’agit donc d’une espèce classée comme préoccupante par l’union européenne. Depuis 2016, la vente et l’élevage du tamia de Sibérie sont interdits dans tous les pays de l’Union européenne (RE/UE : n°1143/2016/1141). En France, selon l’arrêté ministériel du 14 février 2018, « sont interdits sur tout le territoire métropolitain, en tout temps, l’introduction (de cette espèce et des 10 autres mammifères) sur le territoire y compris le transit sous surveillance douanière, l’introduction dans le milieu naturel, la détention, le transport, le colportage, l’utilisation, l’échange, la mise en vente, la vente ou l’achat de spécimens vivants » (Chapuis et al., 2011 ; 2018).

Tamias de sibérie, source Wikimédia

Etat des connaissances

Historique

Les écureuils ont une grande capacité à établir des populations à partir d’un petit nombre d’individus (Bertolino, 2009). En 2009, 22 populations de tamias de Sibérie introduites étaient recensées à travers le monde (Chapuis et al., 2009). En Europe, jusque dans les années 1980, 200 000 individus étaient exportés de Corée du sud, chaque année. Puis, ce sont des élevages européens qui ont petit à petit pris le relais (Chapuis et al., 2012). En France, 11 populations étaient recensées en 2011 (Chapuis et al., 2011). En 2017, quatre d’entre elles avaient disparu et une nouvelle population (Echirolles, Isère) était en voie d’installation (Chapuis et al., 2018). Au cours de la dernière décennie, 10 à 20 individus isolés sont observés annuellement dans différents départements. En Rhône-Alpes, seul Ariagno, (2010) évoque l’observation d’individus isolés sur la commune de Marcy-l’Etoile (69). Dans la plupart des cas, ils sont rapidement éliminés par des prédateurs, notamment par le chat domestique.

Carte de l'état des connaissances sur le tamia de Sibérie

Distribution actuelle

Dans la partie auvergnate de la région, il n’existe, à notre connaissance, aucune mention de l’espèce). Sur les deux mentions rhônalpines de l’espèce, seul le noyau de population isérois (Echirolles) est installé. Dans le département du Rhône, il n’y a plus d’observation depuis la fin de la décennie 2000, la dernière observation d’un individu remontant au 6 juin 2009 au domaine de Lacroix-Laval (Marcy-l’Etoile). Il n’en est pas de même dans le périmètre des communes de Seyssins, Pont-de-Claix, Claix et Echirolles en Isère. Il existe ici au moins 1 donnée d’observation annuelle entre 2000 et 2017, jusqu’à 3 individus étant observés ensemble (Rémi Fonters, avril 2009). De même, des juvéniles y sont mentionnés (Christian Rolland, avec mention de reproduction probable en avril 2010). Ceci montre que les individus se sont reproduits toutes les années dès qu’ils se sont échappés de l’animalerie. Cette population a donc commencé à réellement s’implanter il y a une douzaine d’années, la première donnée remontant à avril 2007 sur Seyssins. Notons cependant qu’en Isère, la présence de l’écureuil de Corée est documentée dès 2005 puisqu’il est mentionné dans le parc Paul Mistral, près de l’hôtel de ville les 25 mai et 10 août 2000 (Isabelle D’Aloïa et Gilles Reimbold.  Depuis juin 2017, une opération d’éradication de cette population est engagée par l’ONFCS, en collaboration avec le MNHN et la DDT38, suite à la prise d’un arrêté préfectoral et après avis du CRSPN. Rosetto (in Chapuis et al., 2018) mentionne que cette population serait issue d’animaux échappés d’une animalerie (focus en fin de monographie). Son effectif pourrait dépasser 25 individus, 23 ayant été prélevés en 2018 (Rossetto in Chapuis et al., 2018). Cependant, Thierry Naudet observe encore un individu le 2 mai 2019 dans le même secteur, à l’espace Comboire sur Seyssins.  La campagne d’éradication devrait se poursuivre en 2019, voire en 2020 (Rossetto in Chapuis et al., 2018).

Impact et gestion

Tamia de sibérie, source Wikimédia

Vingt espèces d’écureuils ont été introduites à travers le monde (Bertolino, 2009). 38 de ces introductions concernent le tamia de Sibérie, soit 15 % de celles recensées en 2009 par cet auteur pour les écureuils exotiques (Bertolino, 2009). Le tamia de Sibérie pose problème sur le plan de la santé humaine (Chapuis et al., 2010). C’est un réservoir des bactéries responsable de la borréliose de Lyme (Vourc’h et al., 2007). Il joue en effet un rôle majeur dans l’infection des tiques de l’espèce Ixodes ricinus, vecteurs de la maladie à l’homme. En Forêt de Sénart (dép. 91, 77), il infecterait 8 fois plus de tiques que le mulot sylvestre (Apodemus sylvaticus) et le campagnol roussâtre (Myodes glareolus), rongeurs indigènes et réservoirs de ces bactéries (Marsot et al., 2013). De plus il héberge trois espèces de ces bactéries contre une seule chez les rongeurs autochtones (Marsot et al., 2011).

La présence de cette espèce exotique envahissante pose aussi potentiellement un problème écologique vis à vis de l’espèce voisine à fort capital de sympathie, l’écureuil roux d’Europe (Sciurus vulgaris).

Ainsi, toute nouvelle observation de tamia de Sibérie doit être signalée dans les bases locales de la LPO et en renseignant l’enquête nationale de répartition des sciuridés en France (https://ecureuils.mnhn.fr/enquete-nationale/). Ces signalements contribuent à la localisation de nouvelles populations d’écureuils exotiques ou apportent des renseignements sur l’extension des populations déjà implantées. Ces suivis en temps quasi réel permettent aussi aux services de l’État d’engager, si besoin est, une campagne d’éradication de ces nouveaux noyaux de population en cours d’installation.

Eradication en cours de la population de Tamia de Sibérie en Isère (Chapuis et al. 2018)

La gestion d’une population de tamias nécessite au préalable de délimiter avec précision son aire de répartition. En sa périphérie, si des habitats paraissent favorables à l’espèce, un effort de piégeage est à mener afin de vérifier son absence. En effet, à faible densité, elle est très difficilement détectable à vue. Seuls des pièges non vulnérants devront être utilisés. Les pièges à privilégier sont de types Sherman TM (8 X 8 X 25 cm) placés au sol. Appâtés avec des graines de tournesol et/ou du beurre d’arachnide, ils seront distants de 30 m maximum, avec une densité de 7 à 8 pièges/ha, voire 15 pièges/ha dans les secteurs favorables. Une carabine 9 mm peut être localement utilisée pour éliminer des individus réfractaires au piège (Rossetto, in Chapuis et al., 2018). Pour la population iséroise d’Echirolles, la première session de capture a eu lieu du 26 mars au 24 avril 2018 (effort de piègeage de 2470 pièges/jour) et la seconde du 06 au 24 août 2018 (247 pièges/jour), Au total, 23 individus (11 mâles et 12 femelles) ont été prélevés et confiés à différentes équipes de recherche (MNHN, AFB, INRA et ONCFS).

Rédacteurs : Olivier IBORRA, Jean-Louis CHAPUIS et Stéphane GARDIEN, Juin 2019