Présentation et description
Le raton laveur, exogène en Europe, mesure environ 80 cm pour une queue de 20 à 30 cm. Celle-ci, toujours noire à son extrémité, est barrée de 4 à 6 anneaux. Il pèse de 4 à 9 kg et possède une hauteur de 30 cm environ au garrot. On peut le confondre avec un gros chat lorsqu’il est vu dans de mauvaises conditions. Bien observé, son museau pointu et son masque facial permettent de l’identifier facilement. Une confusion est cependant possible avec le chien viverrin (Nyctereutes procyonoides) dont le masque ne recouvre pas le museau. Le pelage du raton-laveur est gris brun. Cet animal plantigrade possède des mains préhensiles.
Cette espèce appartient à l’ordre des carnivores et à la famille des Procyonidés qui compte 14 espèces. Il en est le seul membre en France.
Dans son aire d’origine, l’Amérique du nord, l’Amérique centrale et les Caraïbes, le raton laveur compte 23 sous-espèces dont une est probablement éteinte. Nous ignorons lesquelles ont été introduites en Europe. L’espèce est allochtone en Europe et des populations férales s’y sont progressivement développées depuis son introduction.
L’espèce est considérée comme préoccupante par l’Union Européenne. Dans notre pays, jugée comme une espèce exotique envahissante, «sont interdits sur tout le territoire métropolitain et en tout temps, l’introduction sur le territoire, y compris le transit sous surveillance douanière, l’introduction dans le milieu naturel, la détention le transport, le colportage, l’utilisation, l’échange, la mise en vente, la vente ou l’achat de spécimens vivants» (Arrêté Ministériel du 14 février 2018).
Etat des connaissances
Historique
En Europe, cette espèce a été introduite pour la première fois en 1927 en Allemagne afin d’alimenter les pelleteries. Cette activité a favorisé la création d’élevage mais aussi les échappés de captivité, connus dès les années 1930 (ONCFS, 2017). Hors de sa zone de répartition originelle, le raton-laveur est présent en Russie, dans plusieurs républiques de l’ex URSS, en Slovaquie, République tchèque, Autriche, Suisse, au Danemark, aux Pays-Bas, en Belgique, Allemagne, Pologne, France (ONCFS, op.cit) et est même apparu récemment en Espagne (GARCIA et al., 2012, ALDA et al., 2013 ). Il a aussi été introduit au Japon.
Sa présence en France semble remonter à 1934 dans le Haut-Rhin (NIETHAMMER, 1963) mais l’espèce n’y a pas fait souche jusqu’au mitan des années 1960.
A cette époque, des militaires américains basés sur un camp militaire de l’OTAN (Couvron-et-Aumencourt) dans l’Aisne possédaient des ratons laveurs comme mascottes. On ne sait pas si ces animaux ont été lâchés volontairement ou s’ils se sont échappés. Toujours est-il que ces individus ont fini par constituer une population importante (moins de 200 individus tués en 1995, plus de 1600 en 2012) centrée sur les départements de l’Aisne, l’Oise, la Somme, la Marne et les Ardennes. Cette population s’étend géographiquement et semble désormais en contact avec les individus implantés en Alsace -Lorraine depuis plusieurs décennies en provenance d’Allemagne.
En Auvergne, la première donnée date de 1960 dans le Puy-de-Dôme (Pages 2015), puis des données sporadiques ont été obtenues çà et là des années 1970 à 2000. Ensuite, l’espèce s’est largement répandue via le bassin de l’Allier et de ses affluents. En 2017, au moins 150 communes de cette région (16 dans l’Allier, 65 en Haute-Loire, 66 dans le Puy de Dôme, 7 dans le Cantal) sont occupées, entre des altitudes extrêmes allant de 246 m. à 1163 m.
Des ratons-laveurs sont désormais aussi observés en Corrèze, dans la Creuse et la Loire (v. ci-après). Des cas de reproduction sont au moins connus dans le Puy-de-Dôme et la Haute-Loire, suspectés dans d’autres départements. L’origine de ces désormais nombreux individus (plus de 100 tués annuellement dans ces deux mêmes départements) n’est pas identifiée formellement et les naturalistes locaux soupçonnent qu’elle doit être multiple (GMA et al., op. cit.).
Un troisième noyau de population est présent en Aquitaine. Dans cette région, après des mentions d’individus isolés dans les Pyrénées-Atlantiques en 1967 et en Dordogne en 1995, une population est apparue à partir de 2007 en Gironde et n’a pas cessé de se développer depuis (RUYS et al., 2011, LEGER & RUETTE., 2014, ONCFS op. cit).
Distribution actuelle
Le raton laveur a été observé sur 6 départements rhônalpins (Ain, Drôme, Isère, Loire, Rhône et Haute Savoie). Seules l’Ardèche et la Savoie n’ont fourni aucune mention à ce jour. Ce n’est probablement qu’une question de temps en Ardèche car les populations prospères de Haute-Loire s’approchent de la limite départementale et devraient prochainement la franchir.
Depuis 1961, année de la première mention régionale à Chamonix (Haute-Savoie), les données rhônalpines demeurent peu nombreuses en dehors du département de la Loire qui demande un traitement particulier.
Dans l’Ain, un individu a été trouvé mort à Boyeux-Saint-Jérôme le 23 août 1984 (Bernard 1985) et un individu a été capturé dans un poulailler à Saint-Didier-sur-Chalaronne le 27 mars 2008,
Dans la Drôme, seule est connue la mention d’un animal à Grane le 15 avril 2016,
En Isère, après deux anciennes données (02 juillet 1983 et 25 octobre 1989 à Creys-Mépieu (Ile Crémieu), un individu a été cité à Cheyssieu le 11 juin 2004. Retenons aussi une mention à Allemond, non datée précisément (entre 2001 et 2013) (LEGER & RUETTE, op.cit.),
Dans le Rhône, des mentions anciennes (avant 2001) ont été effectuées à Caluire-et-Cuire et à Lyon alors que des données plus récentes (entre 2001 et 2013) ont été obtenues à Joux, Savigny, Courzieu et Saint-Andéol-le-Château (LEGER & RUETTE, op.cit.). En janvier 2018, trois contacts dont un individu trouvé écrasé à Lissieu ont été obtenus dans le département, peut être à partir d’animaux venant de la Loire,
En Haute-Savoie enfin, après la première mention régionale en 1961 à Chamonix, un individu a été piégé à Arthaz en mars 1986 (DUCHENE & ARTOIS, 1988) et une donnée est citée à Annemasse entre 2001 et 2013 (LEGER & RUETTE, op.cit.).
En dehors des données de 2018 dans le Rhône, les observations, toutes isolées, sur l’ensemble de ces cinq départements se rapportent probablement soit à des lâchers clandestins, soit à des évasions de captivité. L’espèce ne semblait pas rare naguère dans des parcs zoologiques mais des particuliers en détenaient parfois aussi, sacrifiant à la mode des NAC (Nouveaux Animaux de Compagnie), LEGER & RUETTE (op. cit.) citant Lyon et Saint-Etienne entre autres villes françaises où des animaux étaient ainsi détenus.
Le département de la Loire ne correspond pas à ce schéma. L’espèce n’y avait fourni qu’une mention avant 2001, à Charlieu-Belmont. Depuis, sa présence a été citée à Champdieu, Dance, Magneux, Nervieux, Pradines, Regny, Roisey, Saint-Jean-Bonnefonds, Saint-Martin, Sauvain. De toute évidence, ces animaux proviennent des départements auvergnats voisins (Allier et Haute-Loire) et constituent la tête de proue de la phase de colonisation du Forez, du Roannais et des Monts de la Madeleine. Encore l’espèce est-elle probablement beaucoup plus présente qu’il n’y paraît!
Impact et gestion
En Amérique du Nord, le raton-laveur est un des principaux vecteurs de la rage. Si celle-ci est presque éradiquée dans notre pays, l’arrivée de ratons laveurs infectés via les transports internationaux reste possible puisqu’un individu vivant a été retrouvé dans un container (MOUTOU & SPONY,1997). D’autres pathologies (maladie de Carré, gale, leptospirose) peuvent être véhiculées par cette espèce. Le parasite Baylisascaris procyonis est susceptible de provoquer des encéphalites chez les oiseaux et les mammifères dont l’Homme.
Depuis la parution du dernier atlas national (SFEPM, 1984) et régional (FRAPNA, 1997) , la situation du raton-laveur s’est beaucoup modifiée. Dorénavant, l’espèce est solidement implantée en plusieurs points du territoire national où ses populations sont en pleine expansion tant numérique que territoriale. Dans notre région, pour l’instant, seul le département de la Loire est concerné par cette colonisation mais l’apparition prochaine de l’espèce en Ardèche paraît très probable. Cette expansion est favorisée par l’adaptabilité de cet animal en matière des milieux fréquentés et par son caractère omnivore.
Il est bien difficile de mesurer l’impact de l’espèce sur la faune et la flore indigènes de nos régions. Elle peut aussi occasionner quelques dégâts aux cultures ou dans les élevages avicoles. Seule la généralisation de l’analyse de contenus stomacaux permettra d’en avoir une idée.
La colonisation future de notre région peut être partiellement étudiée grâce aux suivis des pièges photographiques, aux relevés des écrasements, aux prises des piégeurs et à l’augmentation de la pression d’observation. Toute mention de l’espèce devra ‘remonter’ rapidement afin que des moyens de lutte puissent être mis en place dans les meilleurs délais. Ainsi, au début des années 2000, l’installation d’un foyer in natura dans la région lyonnaise avait pu être éradiquée (LEGER & RUETTE op. cit.).
L’Arrêté Ministériel de 2012 (v. ci-dessus) a permis de clarifier le statut juridique et interdit désormais toute détention de l’espèce en captivité. Si cela pourrait mettre un terme à l’apparition sporadique de nouveaux foyers, il est bien douteux que cette mesure permette d’enrayer l’expansion de l’espèce à partir des noyaux de population existant. D’ailleurs, nos voisins auvergnats (GMA et al., op. cit.) écrivent qu’ «il y a désormais peu de chances compte tenu de sa dynamique et de sa répartition que le raton laveur soit éradiqué de (leur) région» Apparemment peu sensible à la prédation dans notre région, les prédateurs potentiels sont le renard, les, chiens, le loup et le Lynx, là où ils sont présents, le grand-duc. le raton-laveur semble au contraire en mesure de se développer considérablement dans un avenir proche et de conquérir au moins la partie occidentale de Rhône-Alpes.Seuls la destruction par les routes, le piégeage la malnutrition et les rigueurs hivernales ( concernant particulièrement les jeunes pour les deux derniers) peuvent constituer des freins à cette expansion.
Rédacteurs: André ULMER et Alain BERNARD, Octobre 2018