Fouine, mai 2008 © Alain CHAPPUIS

Présentation et description

Fouine, Groisy, Haute-Savoie © Valérie Dalla Zuanna

La fouine (Martes foina), décrite pour la première fois par ERXLEBEN en 1777, est le second représentant en France métropolitaine (avec la martre) du genre Martes qui compte 8 espèces connues dans le monde. Son nom provient du bas-latin fagina « hêtre », et fagina mustela « belette des hêtres » d’ailleurs l’un de ces noms anglais est « beech marten », la martre du hêtre. Aussi appelée « stone marten » en anglais et « steinmarder » en allemand, l’espèce semble être aussi nommée comme martre des rochers, inféodée à la pierre. Ce mustélidé est aussi affublé de divers autres noms tels que martre fouine, fouin, chafouine ou encore sauvagine quand on parle de sa fourrure. La fouine chasse à vue et tue ses proies en les saisissants à la nuque ou au cou. Il lui arrive également de lécher le sang de ces dernières afin de prévenir l’apparition de nécrophages. Ces deux caractéristiques lui ont valu d’être considérée à tort comme une « saigneuse de poules », animaux qu’elle consomme au même titre que d’autres mais dont elle recherche davantage les œufs.

Mustélidé au corps fin et allongé lui permettant de se faufiler dans des passages exigus (5 à 7 centimètres de diamètre), la fouine se reconnaît grâce à la coloration générale brun clair et gris de son pelage et sa bavette blanche sur la gorge et la poitrine. Son poil de jarre est relativement sombre, contrairement à son poil de bourre gris clair, et donne ainsi un aspect plus grisé à l’animal sauf sur l’extrémité des pattes et de la queue apparaissant ainsi quasiment noire. Néanmoins, un grand panel de couleurs allant du blanc au brun peut venir influencer cette description du pelage, en particulier sur le corps de l’animal. Elle pèse entre 0,9 et 2,3 kilogrammes (pour les mâles, 1,5 kg pour les femelles) pour une taille pouvant atteindre jusqu’à 85 centimètres (corps + queue) et une hauteur de 12 centimètres au garrot. La différence entre les deux sexes est généralement difficile à apprécier sur des animaux vivants. La longévité de l’espèce est de 10 à 12 ans.

11 sous-espèces sont reconnues (WOZENCRAFT, 2005) dans le monde mais une seule d’entre elles, la sous-espèce nominale Martes foina foina, se rencontre en France métropolitaine et donc en région Auvergne Rhône-Alpes. Celle-ci aurait colonisée l’Europe après les glaciations quaternaires (GRILLO, FRAPNA 1997).

L’espèce est physiquement très proche de la martre dont elle se distingue par la coloration et la taille de la bavette (blanche à jaunâtre chez la fouine et jaune-orangée chez la martre) pouvant s’étendre jusqu’à l’intérieur des pattes antérieures , la coloration du museau rosâtre (noir chez la martre) et l’absence de poils sur ses pelotes plantaires. Lorsqu’elle se déplace, la fouine semble onduler et si on l’observe furtivement, elle peut rappeler la démarche d’un chat. Toutefois, elle se distingue de ce dernier par de nombreux bondissements et une allure généralement pressée. Agile, excellente grimpeuse et dotée d’un sens de l’équilibre à toute épreuve, elle est capable de sauter plus de 2 mètres et peut également nager.

En France, la fouine est classée parmi les espèces de gibier chassable, susceptible d’être classée nuisible (« susceptible d’occasionner des dégâts ») dans certains départements (selon arrêté ministériel triennal).

Le spectre alimentaire de la fouine est opportuniste. Si les micro-mammifères, fruits et baies, invertébrés, œufs, passereaux et déchets alimentaires constituent la plus grande partie de son alimentation, la plupart des animaux qu’elle est en mesure de capturer apparaissent au menu comme les reptiles, amphibiens, poissons, chiroptères, lagomorphes, petits rapaces nocturnes. S’ajoutent à cette longue liste le miel prélevé sur les ruches ainsi que les charognes.

Solitaire, il est rarement possible d’observer plusieurs individus ensemble excepté lors de la période de reproduction, de faux-rut et d’élevage des jeunes. Néanmoins certaines observations en milieu urbain montrent que l’espèce peut atteindre des densités plus élevées et ainsi plusieurs individus peuvent être observés sur une même zone de nourrissage (ARIAGNO, 2005 à Lyon).

Le rut et l’accouplement ont lieu en juillet et août, période à laquelle on recense le plus d’observations dans l’année. On peut alors observer des courses poursuites et de nombreux cris entre le mâle et la femelle, correspondant à une parade. Plusieurs mâles peuvent féconder une même femelle. Fait intéressant, un faux-rut similaire au vrai rut peut avoir lieu en janvier mais il n’est pas suivi d’un accouplement puisque les femelles sont gestantes à ce moment-là. En effet, la mise bas intervient au mois de mars ou avril dans un nid aménagé par la femelle pouvant être dans la végétation au sol ou encore dans de l’isolant comme de la laine de verre ou entre des bottes de foin. Les portées se composent de 1 à 8 fouinons (3 en moyenne).

La longueur de la gestation s’explique par le fait que la fouine est capable d’opérer une ovo-implantation différée. L’ovule peut stopper temporairement son développement au stade de blastula lui permettant de passer l’hiver avant de reprendre son développement normal au printemps, saison plus propice à la mise-bas et au nourrissage des jeunes. Les jeunes sont élevés par la femelle seule et sont sevrés au bout de 4 à 6 semaines avant d’acquérir peu à peu leur autonomie pendant les mois d’été. Leur émancipation n’aura lieu qu’au début du printemps suivant (mars généralement), période à laquelle on observe le plus de collisions routières. La maturité sexuelle n’intervient pas avant la deuxième année de vie que près de 50 % des jeunes n’atteindront pas (RUETTE, 2012). Notons que l’hiver est aussi marqué par de nombreuses observations indirectes (crottes et empreintes) dues aux au substrat (neige) et l’absence de végétation au sol.

Actuellement, l’estimation des effectifs ou les tendances d’évolution des populations de fouines n’est pas envisageable faute de méthode validée, d’autant que la taille des domaines vitaux des mâles (qui couvrent celui d’une ou plusieurs femelles) varie de quelques dizaines à plusieurs centaines d’hectares selon plusieurs facteurs comme le sexe, l’âge et le milieu de vie. Néanmoins, les principaux facteurs de mortalités ont été identifiés par l’ONCFS en 2012 : il s’agit de la mortalité routière et du piégeage. Ainsi, la pression de piégeage pourra influencer la densité de l’espèce à l’échelle locale.

Etat des connaissances

La période d’apparition de la fouine est difficile à établir puisque les restes fossiles de l’espèce ne se distinguent eux-aussi que très difficilement de ceux la martre (PASCAL, 2003). De plus, il est probable que la différenciation génétique entre ces deux espèces n’ait eu lieu qu’au cours de l’Holocène (CREGUT-BONNOURE, 1996 ; PTH, 1998). En France, les premières mentions ont été notées dans des gisements récents de l’Holocène (5000 à 4000 ans avec J.-C.). Des mentions plus anciennes sont connues en Europe orientale ce qui semble suggérer que la fouine aurait peu à peu colonisé l’ouest du continent (KURTEN, 1968 cité par YALDEN, 1999).

Il semble ensuite que ce petit mammifère n’ait jamais disparu de la région Rhône-Alpes malgré une forte pression de la chasse et du piégeage sur cette espèce au début du XXème siècle ayant réduit fortement ses populations, pression principalement encouragée par la revente de sa fourrure et la prévention des dégâts sur les poulailler et autres oiseaux d’élevages.

La fouine est un mammifère largement répandu en Eurasie. On la retrouve sur tout le continent européen (exception faite de la Scandinavie, du nord de la Russie, des îles britanniques et de la plupart des îles méditerranéennes) ainsi qu’en Asie centrale (LIBOIS et WAECHTER, 1991). L’espèce a été introduite aux États-Unis dans l’état du Wisconsin (dans le but de commercialiser sa fourrure).

On la retrouve sur l’intégralité du territoire de France métropolitaine (à l’exception de la Corse).

Carte de l'état des connaissances sur la fouine

Observée dans la totalité des départements de l’ex-région Rhône-Alpes, l’espèce y est rencontrée des altitudes les plus basses à 2689 mètres, cette dernière observation ayant été faite par le gardien du chalet d’Albert 1er sur la commune de Chamonix-Mont-Blanc en 2016. Néanmoins, la majorité des observations sont effectuées à des altitudes inférieures à 1000 mètres. Ainsi, elle semble moins présente dans les secteurs forestiers d’altitude (contreforts du Massif central, du Jura et des Alpes). Les rares mailles de plaine ou de basse altitude où les données manquent (Bresse et Beaujolais par exemple) relèvent davantage de lacunes de prospection plutôt que d’une réelle absence. Autrement, avec plus de 4000 données récoltées sur la région, la répartition de la fouine est relativement bien connue.

La plasticité écologique de la fouine (due à son caractère opportuniste) lui permet également d’investir les secteurs les plus urbains, parfois même jusqu’au cœur des villes (Lyon, Saint-Étienne, Grenoble, etc.) lorsque ces dernières disposent des corridors écologiques suffisants comme les parcs, jardins et espaces verts divers.

Cette plasticité lui permet d’intégrer des milieux rocailleux d’altitudes ou elle côtoiera l’hermine, et ces mêmes milieux dans les coteaux secs de Drôme et d’Ardèche ou elle côtoiera cette fois-ci l’éventuelle genette commune. Elle sera aussi présente dans les secteurs de zones humides telles que la Dombes ou la plaine du Forez et encore sur des secteurs plus vallonnés avec des milieux diversifiés comme le Beaujolais, les Monts du Lyonnais ou encore la Bresse. Possédant généralement un gîte dans une grange, une ferme ou un grenier, elle pourra aussi trouver refuge dans une cavité arboricole, un tas de branches ou même encore dans un ancien terrier. Différents relevés par pièges photographiques ne montre pas d’exclusion de la fouine liée à la présence d’autres mustélidés. Bien que la compétition interspécifique existe réellement, sa seule limite restera les secteurs fortement boisés ou la martre utilise la même niche écologique qu’elle. De manière plus générale, la fouine préfèrera les espaces ruraux de basse altitude composés d’une mosaïque de milieux.

C’est en Isère et en Haute-Savoie que le nombre de données est le plus important (plus de 1400 en cumulé soit 35 % des observations). Au contraire, la Savoie, qui comporte de nombreux secteurs de haute altitude peu ou défavorables à la fouine, est le département dans lequel on en comptabilise le moins (moins d’une centaine de données dont une dizaine à plus de 2000 mètres d’altitude).

Les observations indirectes par détection d’indices de présence ou par piégeage photographique, ainsi que les collisions routières dont l’espèce est souvent victime, ont permis la quasi-totalité des observations de fouine dans la région.

Menaces et conservation

Fouine, Saint Julien en Genevois, Haute-Savoie © Christophe Gilles

Très anthropophile et opportuniste, la fouine s’adapte très bien aux environnements urbains pourvu qu’elle dispose de gîtes et de nourriture en quantité suffisante. De fait, elle est moins impactée par l’urbanisation que la plupart des autres mammifères.

Toutefois, l’une des plus grandes menaces qui plane sur cet animal reste la collision routière. Le développement des infrastructures de transport routier morcelant son habitat et l’augmentation du trafic provoque une surmortalité susceptible d’affaiblir les populations dans certaines localités. Ce facteur de mortalité pourrait être limité avec l’amélioration et l’augmentation des corridors écologiques. A ce titre, la fouine utilisant de nombreuses haies, boisements et autres éléments paysagers pour se déplacer est une  espèce indicatrice des trames vertes fonctionnelles.

Autres menaces pesant sur la fouine, le piégeage et la chasse semblent n’avoir d’influence sur ses populations que très localement mais créent une mortalité à additionner à celle des collisions routières.

L’espèce est potentiellement porteuse de maladies comme la maladie de Carré (encéphalite mortelle) ou la rage pour laquelle elle ne sera que victime (et non vecteur).

Comme le renard, la fouine contribuera à la régulation naturelle des populations de micromammifères et se positionne en espèce dîtes auxiliaire de certaines activités humaines pouvant être mises à mal par la pullulation de rongeurs notamment.  Aussi, une étude hollandaise récente montre que par ce même phénomène elle contribuera aussi à la réduction de la transmission de la maladie de Lyme à l’homme, éliminant ou apeurant des sujets de micromammifères porteurs de la bactérie Borrelia burgdorferi, foyers de cette maladie dans les milieux naturels (Tim R. HOFMEESTER, 2017).

Les populations de fouines en agglomération lyonnaise

La présence de l’espèce en ville avait déjà été documentée par HAINARD, à Genève en 1961, ou encore à Nantes par CLEMENT et SAINT GIRONS en 1982. Mais une illustration plus régionale de l’état des connaissances sur la présence de la fouine dans l’agglomération lyonnaise a été faite par Daniel ARIAGNO en 2005. Plusieurs observations viennent avérer la présence de la fouine dans certaines parties de la ville telles que la Croix-rousse, la Mulatière, Francheville, Fourvière, le 5ème arrondissement…des secteurs plus en périphérie du centre-ville. L’auteur observera jusqu’à 7 individus différents sur son balcon à Craponne. Cela montre bien que les densités de l’espèce sont plus importantes en milieu urbain. Trois facteurs peuvent l’expliquer : la ressource alimentaire abondante pour une espèce opportuniste capable de « faire les poubelles », l’absence de piégeage et  l’infrastructure humaine omniprésente, permettant de nombreux déplacements en toute discrétion (en hauteur ou sous terre) et à l’abri des collisions routières.

Cette réflexion a bien évidemment ses limites et seule une étude plus approfondie permettrait d’en savoir plus sur la structure des populations urbaines de Martes foina.

 

 

Rédacteurs: Alexandre ROUX et Francisque BULLIFFON, novembre 2019